Lutte climatique: "J'ai dû quitter mes études et mon travail"

Dans une petite salle, à quelques pas de la gare de Lausanne, des militants climatiques se préparent pour cette action de blocage zurichoise prévue dès lundi. Ils participent à un atelier sur la désobéissance civile non-violente dispensé par Extinction Rebellion (XR). A travers des jeux de rôle, on y apprend par exemple à se faire porter par la police en étant le plus encombrant possible, mais sans résistance.

Ces formations ont été données dans plusieurs villes. Ce jour-là, cinq participants sont présents. "Quand j'ai commencé, il y avait 25 à 30 personnes", explique Frédérique, co-animatrice de cet atelier. "Lorsque je suis arrivée à Extinction Rebellion il y a deux ans, il y avait beaucoup de nouveaux membres. C'est vrai que le Covid a quand même bien stoppé cet engouement. C'est difficile à évaluer, mais je pense qu'on a perdu plus de gens qu'on en a gagné. Par contre celles et ceux qui restent sont très fortement impliqués".

Également présent pour animer une partie de cet atelier, François Jakob est l'un des organisateurs de la mobilisation prévue à Zurich. Cela fait un peu plus de deux ans qu'il s'est engagé dans le mouvement. "J'avais un boulot, des études, mais je n'avais rien de mieux à faire actuellement que d'essayer de changer les choses". Il milite désormais à plein temps.

Réaction politique

La question climatique est bien sûr aussi politique, comme le montre le vote de dimanche dernier dans le canton de Berne, où la population a accepté d'inscrire la protection du climat dans la Constitution. Devant le Palais fédéral, à l'initiative de 15 minutes, François Jakob rencontre la conseillère nationale verte Regula Rytz et le président de l'UDC bernoise Manfred Bühler.

"J'ai envie d'aller au-delà de cette question gauche-droite, de querelle de clocher", leur lance-t-il. "On va occuper l'espace public jusqu'à ce qu'on ait un débat national sur cette urgence climatique. Ça demande du courage à la classe politique de dire que la crise va être extrêmement grave."

"Sur le constat climatique, on est tous d'accord", explique Manfred Bühler. "Mais quand on mesure l'ordre de grandeur de l'effort nécessaire pour baisser les émissions de CO2, ni une classe politique, ni une assemblée citoyenne tirée au sort ne pourront rendre ça attractif et sexy. Il faut un débat plus long et de fond pour mesurer les enjeux."

"Nous avons perdu beaucoup de temps", rétorque Regula Rytz, qui dit comprendre que les jeunes n'aient pas assez de patience "pour attendre que la politique trouve enfin des solutions".

>> Le climat mobilise-t-il encore? Le regard d'un militant et d'un politicien :

Manfred Bühler estime que la stratégie des militants n'est pas la bonne. "Plus vous bloquerez des axes et empêcherez des gens qui n'ont rien demandé d'aller au travail, plus vous desservirez votre cause", estime-t-il.

Impact des procès climatiques

A travers leurs actions, les militants pour le climat se retrouvent régulièrement devant la justice. Ce mercredi, un membre du groupe Extinction Rebellion a été condamné à Lausanne, lors du premier procès d'une longue série.

Selon Steven, militant de la Grève du climat Vaud, cette judiciarisation a un effet sur la mobilisation. "Quand on est engagés dans des procès très lourds, il y a une grande bureaucratie, de nombreuses réunions, c'est énormément de temps qu'on n'utilise pas pour organiser d'autres actions". Lui-même inquiété par la justice, cela l'a obligé à reconsidérer ses priorités: il ne se rendra pas à Zurich.

Parfois accusée par les militants de réprimer pour calmer l'ensemble du mouvement, la justice réfute, à l'image du procureur général fribourgeois Fabien Gasser. Selon lui, le droit est appliqué de façon non passionnée et non militante. "Les règles de procédure pour ces personnes sont les mêmes que celles des autres. Il n'y a aucune stratégie ou volonté de traiter les militants climatiques différemment d'autres personnes", déclare-t-il.

Quant à François Jakob, les risques de sanctions qu'il encoure ne le dissuadent pas: "Je ne crois pas que quelques centaines de francs d'amende pèsent beaucoup dans la balance face à un futur totalement compromis."

>> Le débat de Forum sur l'essoufflement des mouvements pour le climat :

Sujet Radio: Coraline Pauchard et Guillaume Rey

Adaptation web: Guillaume Martinez