Par son action, l'activiste de Breakfree Suisse entendait dénoncer les investissements de la grande banque dans les énergies fossiles. Le Tribunal de police l'avait condamné en première instance à 10 jours-amendes à 30 francs avec sursis pour dommages à la propriété. Il avait ensuite été acquitté en appel par la Chambre pénale d'appel et de révision.
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Par son arrêt, le Tribunal fédéral a admis les recours du Ministère public genevois et de Credit Suisse. L'affaire est maintenant renvoyée devant la Cour cantonale.
La jurisprudence "match de tennis" se confirme
On ne peut pas violer la loi pour attirer l'attention sur le réchauffement climatique, a répété le Tribunal fédéral pour la deuxième fois en 5 mois. Comme dans le cas des activistes du climat qui avaient joué au tennis dans le hall d'entrée d'une agence de Credit Suisse à Lausanne en novembre 2018, il a conclu que les conditions d'un état de nécessité licite n'étaient pas réunies.
Dans son arrêt publié mercredi, la Cour précise que dans le cas de cet état de nécessité, il doit exister un danger imminent pour un intérêt juridique individuel. Le péril doit se concrétiser dans les heures qui suivent et ne doit pas pouvoir être évité d'une autre manière.
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Pas de danger imminent
Selon les juges, le réchauffement climatique et les catastrophes qu'il provoque ne constituent pas un tel danger imminent. Les conséquences peuvent en effet frapper indistinctement chacun, en tout lieu et en tout temps, sans que l'on puisse identifier un bien juridique spécifiquement menacé.
Le fait de badigeonner une façade de bâtiment n'empêche pas non plus directement le réchauffement climatique et ses conséquences. Les causes du réchauffement sont multiples et ne sont pas limitées aux investissements de Credit Suisse dans les énergies fossiles, souligne-t-il. L’activiste doit donc être condamné pour dommage à la propriété.
Le Tribunal fédéral poursuit en relevant que l'activiste de Breakfree Suisse ne peut pas invoquer la liberté d'expression ou la liberté de réunion, car l'ordre public ne protège que les rassemblements pacifiques. Les autorités ne doivent pas seulement considérer les intérêts des manifestants, mais aussi préserver les libertés des tiers non-manifestants, rappelle-t-il.
Probable recours auprès de la Cour européenne
Cette décision devrait avoir un impact sur l'ensemble des tribunaux du pays, pense le procureur général genevois Olivier Jornot. "On a eu une phase de flottement, avec des tribunaux vaudois et genevois qui ont interprété l'état de nécessité de manière extrêmement large. Le Tribunal fédéral a remis le droit au milieu du village. L'état de nécessité, ce n'est pas cela, ça ne peut pas s'appliquer à des gens qui commettent des déprédations lors de manifestations. Et désormais, c'est valable pour tous les tribunaux de Suisse", a-t-il estimé dans le 12h45 de la RTS.
Pour l'avocate de l'activiste du climat Laïla Batou, au contraire, cette décision "continue d'enfoncer le clou de l'impuissance de cette jeunesse qui essaie désespérement de se faire entendre des institutions et qui n'y parvient pas. Quel que soit le pouvoir sollicité, ils trouvent des portes closes. J'ai très peur d'une radicalisation du mouvement de défense du climat", s'inquiète-t-elle.
Après cet échec en justice, l'avocate et son client réfléchissent à porter l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg, tout comme les militants condamnés pour la partie de tennis à Lausanne.
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