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Centres fédéraux d'asile: un rapport confirme des dysfonctionnements et demande des corrections

Un rapport du Secrétariat d’État aux migrations fait état d’un usage disproportionné de la violence dans les centres fédéraux pour demandeurs d’asile
Un rapport du Secrétariat d’État aux migrations fait état d’un usage disproportionné de la violence dans les centres fédéraux pour demandeurs d’asile / 19h30 / 2 min. / le 18 octobre 2021
L’ancien juge fédéral Niklaus Oberholzer, mandaté par le Secrétariat d'Etat aux migrations pour enquêter sur les centres fédéraux d’asile après des révélations de la RTS en mai sur des cas de violence contre les requérants, a remis son rapport. Il confirme lundi plusieurs dysfonctionnements dans ces centres et fait une douzaine de recommandations, tout en précisant qu’il n’y a pas d’indice de violence systématique.

La RTS ainsi que d'autres médias et des ONG, dont Amnesty International, avaient rapporté au printemps que le personnel des services de sécurité avait recours à la violence de manière excessive dans les centres fédéraux pour requérants d’asile, rappelle lundi le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) dans un communiqué.

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Celui-ci avait alors mandaté Niklaus Oberholzer pour mener une enquête. Celui-ci a passé en revue sept cas à propos desquels on soupçonnait un usage disproportionné de la contrainte contre des requérants d’asile.

Au terme de son enquête, l'ancien juge arrive à la conclusion qu'il n'y a pas de violation systématique des droits des requérants d'asile ni de partialité générale de la part des collaborateurs des services de sécurité.

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Enquête pénale dans six cas

Dans le détail, dans six des sept cas examinés, une enquête pénale a été ouverte, signe qu’une enquête indépendante et impartiale par les autorités judiciaires est garantie, assure le SEM. Dans trois cas, des collaborateurs des services de sécurité ont réagi de manière disproportionnée et peut-être même illicite à une situation de conflit.

Dans trois autres cas, l’usage de la contrainte était proportionné et justifié car il répondait à la grande propension à la violence d’un requérant d’asile, souvent en état de forte ébriété ou sous l’influence de drogues. Dans le dernier cas examiné, il subsiste des doutes quant à l’adéquation de la réaction à une situation de conflit.

Niklaus Oberholzer met en perspective ces cas par rapport au nombre total d’agents de sécurité déployés dans ces centres, soit environ 700, et aux plus de 2000 requérants d’asile qui y séjournent simultanément. Il estime également que ces incidents illustrent le genre de situations difficiles auxquelles le personnel de sécurité de même que le personnel d’encadrement peuvent être confrontés.

>> Les précisions de Gilles Clémençon dans le 19h30 :

Révélations du SEM sur les violences dans les centres fédéraux pour requérants d'asile: L'analyse de Gilles Clémençon
Révélations du SEM sur les violences dans les centres fédéraux pour requérants d'asile: L'analyse de Gilles Clémençon / 19h30 / 1 min. / le 18 octobre 2021

Des mesures de prévention mises en place

Le SEM indique avoir déjà mis en oeuvre plusieurs mesures pour réduire le nombre de cas d'escalade de la violence. Des agents de prévention des conflits cherchent activement le dialogue avec les requérants d’asile afin d’éviter les conflits ou du moins de les désamorcer.

De plus, l’établissement de rapports d’incidents a été modifié et la création d’un bureau indépendant chargé de recueillir les plaintes des requérants a été lancée, note le SEM. Et de souligner qu'ainsi, au deuxième trimestre 2021, le nombre de cas d’escalade de la violence et d’interventions policières a diminué de près de 40% par rapport au premier trimestre.

Plusieurs recommandations

Niklaus Oberholzer précise qu'il n’est toutefois pas toujours possible d’éviter les conflits dans les centres fédéraux d'asile. Il recommande au SEM de vérifier et d’améliorer la formation du personnel de sécurité et de placer ses propres collaborateurs possédant une formation policière à certains postes-clés. Les collaborateurs des services privés de sécurité assumeraient une fonction de soutien.

Le SEM devrait aussi définir plus clairement les règles relatives à l’application de mesures disciplinaires et l’utilisation des salles de réflexion et revoir les bases légales concernant l’usage de la contrainte et de mesures policières en vue de protéger les requérants et les collaborateurs. Il faudrait encore améliorer les processus d’établissement de rapports d’incidents.

Le SEM indique enfin qu'il va se pencher sur ces recommandations, puis les appliquer dans la mesure du possible. Et de préciser que son audit interne arrive à des conclusions similaires: des améliorations sont nécessaires sur plusieurs points.

>> Revoir le sujet du 19h30 sur ce sujet :

Des abus et violences répétés ont eu lieu contre des requérants d'asile dans les centres fédéraux. Notre enquête.
Des abus et violences répétés ont eu lieu contre des requérants d'asile dans les centres fédéraux. Notre enquête. / 19h30 / 3 min. / le 5 mai 2021

boi avec ats

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Mesures plus ambitieuses demandées par les ONG

Amnesty International, qui avait parmi d'autres pointé cette problématique au printemps, a salué lundi les recommandations de l'ancien juge fédéral, tout en demandant des mesures plus ambitieuses.

"Ce qui manque, c'est un dispositif opérationnel et une protection efficace pour les lanceurs d'alerte qui signalent des abus dans les centres. Il faut mettre en place un mécanisme de plainte véritablement indépendant pour les victimes de violences", écrit l'organisation.

L'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) et le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés soutiennent la mise en place d'un tel mécanisme. L'OSAR souhaite également que le SEM rende régulièrement compte de l'application des recommandations de M. Oberholzer. Amnesty International demande encore que des représentants des autorités soient spécifiquement chargés de surveiller et faire respecter les droits humains.