Le deuxième audit commandé par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) se penche plus précisément sur ce qui est déjà initié comme réformes et tout ce qui reste à faire pour améliorer la gestion de la sécurité dans les centres fédéraux d’asile. Il ajoute ainsi 20 recommandations aux 13 présentées lundi par l’enquêteur externe à Berne.
>> Relire : Le rapport sur les centres fédéraux d'asile confirme des dysfonctionnements et demande des corrections
Certaines demandes se recoupent, comme celle de mieux former les 700 agents de sécurité engagés dans les centres fédéraux ou encore celle d’élever la présence de fonctionnaires pour mieux encadrer ces agents privés. Mais l’audit interne fait des propositions plus explosives. Deux recommandations apparaissent notamment comme particulièrement sensibles.
Protéger les agents des "fausses accusations" de violence
La recommandation No 17, tout d’abord, qui plaide pour que les agentes et les agents soient équipés de bodycams, des caméras corporelles. Le but affiché est clair : il s’agit d’apporter une "image neutre" en cas d’altercations avec des requérants d’asile, car "les perceptions sont toujours subjectives lors du recours à la violence physique". Le rapport note qu'"il y a aussi toujours des gens qui provoquent délibérément la sécurité ou qui perdent la maîtrise de soi en raison de la consommation de drogues ou d'alcool. Dans ce contexte, la sécurité doit également pouvoir être protégée contre les fausses accusations, qui en fin de compte signifie un risque de réputation pour le SEM".
Il s’agit donc d’abord de se protéger des polémiques et des fausses accusations. Mais l’audit relève que les caméras pourraient aussi participer à assurer la "qualité" des interventions de la sécurité, sous-entendu éviter les dérapages violents qui sont à l’origine de la polémique actuelle et des audits commandés par le SEM. Il faudra bien sûr étudier des bases légales, ajoute l’audit, avec le souci de la protection de la personnalité.
De meilleurs salaires contre la pénurie de personnel
La recommandation No12 aborde la délicate question des conditions de travail des agents privés et de la difficulté croissante à les recruter. Avec la mise en place des centres fédéraux d’asile en 2019, Securitas et Protectas ont conclu d’importants contrats avec la Confédération (59 millions de francs en 2020). La question du salaire et de la formation au rabais de ces employés a fait l’objet de témoignages et de critiques régulières.
L’audit du SEM aborde pour la première fois le problème et demande "un examen général de l’écart entre les exigences (à la hausse) et les prestations, notamment les rémunérations". Pour faciliter le recrutement, il est aussi recommandé l’abandon de la maîtrise d’une seconde langue nationale au profit de l’anglais ou de l’arabe par exemple.
Des choix politiquement délicats
Le Secrétariat d’Etat aux migrations s’est engagé à étudier sans attendre toutes ces recommandations. Comme il s’agit de réformes conséquentes et potentiellement de dépenses supplémentaires pour la sécurité, qui représente déjà un tiers du budget d’exploitation des centres fédéraux, les choix vont être difficiles et des arbitrages politiques seront nécessaires.
Le SEM se retrouve sous pression après avoir longtemps minimisé les problèmes liés à la gestion de la sécurité déléguée aux privés. Dès 2020, les enquêtes des médias et les alertes lancées par certaines ONG ont fait état de dérapages. La multiplication des témoignages, des preuves de passages à tabac, des mises en cellule injustifiées, des rapports trafiqués et les témoignages du personnel de sécurité dégoûté et démotivé ont abouti ce printemps au lancement des deux audits. Le SEM a déjà lancé des mesures de correction, avec notamment l’engagement de 60 spécialistes de la désescalade et se félicite d’une baisse notable des incidents avec les requérants.
>> Lire aussi : Bavures et rapports trafiqués: la sécurité dérape dans les centres fédéraux d'asile
Ludovic Rocchi