Traversé dans sa diagonale par la frontière franco-suisse, le cimetière israélite de Veyrier (GE) est le seul au monde dont le périmètre s’étend sur deux pays. Situé aux abords de l’Arve, entre Genève et la commune d’Étrembières (F), cette nécropole surplombée par le Mont Salève compte près de 3500 tombes, témoignant d’une histoire singulière.
Inauguré en 1920, le cimetière fut pendant le XXe siècle un lieu de passage clandestin entre les deux pays. Notamment pendant la Seconde Guerre mondiale, où la géographie du lieu a joué un rôle fondamental pour plusieurs centaines de réfugiés juifs en provenance de l’Est.
"Les flux migratoires ont eu lieu en deux temps: d’abord en 1938 avec l’Anschluss et l’annexion de l’Autriche par le régime nazi. Il y a eu un flux migratoire important en Suisse, les réfugiés passant par cette zone pour rejoindre la France libre", explique Jean Plançon, gardien du cimetière et passionné d’histoire.
La deuxième vague s’opère dès juillet 1940, avec l’invasion de la France libre par le régime de Vichy. Échappant aux persécutions, le flux de réfugiés juifs migre de France en Suisse. "Un réseau clandestin de complicité s’est développé. Les réfugiés étaient d’abord cachés dans le centre funéraire du cimetière, avant de rejoindre certains lieux d’accueil à Genève", détaille le gardien, qui a écrit de nombreux ouvrages sur la communauté israélite genevoise.
En 1943, le cimetière est fermé par la Wehrmacht, rendant le passage quasiment impossible. Les historiens estiment qu’environ 12'000 juifs seraient passés par cette frontière franco-suisse durant la Seconde Guerre mondiale.
Illustres personnalités
Le cimetière est aussi connu pour abriter les tombes de plusieurs personnalités issues du monde politique, littéraire ou économique. C’est notamment en ces lieux que repose l’écrivain Albert Cohen, auteur du chef d’œuvre littéraire "Belle du Seigneur", dont les faits se déroulent dans la Genève de la Société des Nations durant les années 1930.
Inhumé en 1981, Albert Cohen était aussi engagé dans la cause des réfugiés juifs, travaillant étroitement avec les Nations unies et participant activement à la création du passeport pour les apatrides, lors de l’accord international du 15 octobre 1946.
Hormis l’écrivain, d’autres personnalités reposent en ce lieu, comme les banquiers Edmond Safra et Edouard Stern. Le roi du cigare, Zino Davidoff, y est aussi enterré.