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Pierre-Yves Maillard: "Le moment est opportun pour exiger une hausse des salaires"

Les revendications sociales ont résonné dans toute la Suisse ce week-end. Entretien avec Pierre-Yves Maillard, président de l’Union syndicale suisse
Les revendications sociales ont résonné dans toute la Suisse ce week-end. Entretien avec Pierre-Yves Maillard, président de l’Union syndicale suisse / 19h30 / 5 min. / le 31 octobre 2021
À la tête de l'Union syndicale suisse (USS), le socialiste Pierre-Yves Maillard mène plusieurs combats, dont ceux pour des salaires corrects, une redistribution des performances de l'économie suisse plus équitable, et de meilleures retraites. Il commente dans le 19h30 les manifestations syndicales qui ont émaillé le week-end.

Le mécontentement de nombreux travailleurs et travailleuses a résonné samedi dans plusieurs villes de Suisse, lors de manifestations pour réclamer une revalorisation des salaires et des conditions de travail dans plusieurs secteurs de l'économie suisse.

>> Lire à ce sujet : Plus de 12'000 personnes dans les rues pour leurs conditions de travail et salaires

Selon une évaluation de la banque UBS, seuls les secteurs de l'informatique, des télécoms ainsi que les services publics devraient bénéficier d'une faible augmentation salariale de 0,1%, tandis que l'inflation prévue est de 0,5%.

"Ce n'est pas nouveau, nous perdons du salaire réel depuis trois ans", déplore le conseiller national socialiste et président de la faîtière des organisations syndicales suisses Pierre-Yves Maillard, invité dimanche soir dans le 19h30.

Pour une reprise économique bien répartie

À l'heure de la sortie de crise, l'économie helvétique post-pandémie a su faire preuve de résilience et se porte plutôt bien. Plusieurs secteurs affichent de meilleures perspectives qu'avant la crise, et l'indice boursier suisse SMI affiche une hausse insolente de 13% en 2021.

Les syndicats revendiquent donc une meilleure redistribution de ces richesses pour assurer la cohésion sociale, même si certains craignent déjà les conséquences des pénuries ou de l'échec de l'accord-cadre avec l'Union européenne. Pour Pierre-Yves Maillard, l'occasion d'exiger des revalorisations salariales est opportune.

"On sort d'une année où plus d'un million et demi de travailleurs ont été mis au chômage technique", rappelle l'ancien conseiller d'Etat vaudois. "Il y a donc eu une perte de pouvoir d'achat l'année dernière, qu'il faut compenser si l'on veut que l'économie intérieure puisse redémarrer", explique-t-il.

Âges de retraite "déconnectés de la réalité"

Enfin, l'un des enjeux cruciaux du débat politique actuel concerne les retraites. La Suisse traite mal ses retraités, et surtout ses retraitées, estime Pierre-Yves Maillard. Le système suisse de prévoyance qui faisait figure de modèle décline désormais, car le pays peine à s'adapter au vieillissement tendanciel de sa population.

>> Les explications

dans le 19h30

de Philippe Lugassy et Dominique Steiner:

La revalorisation des salaires, la redistribution des performances de l’économie suisse et les rentes sont des combats actuellement portés par les syndicats
La revalorisation des salaires, la redistribution des performances de l’économie suisse et les rentes sont des combats actuellement portés par les syndicats / 19h30 / 2 min. / le 31 octobre 2021

Si bien qu'aujourd'hui, il faut trois personnes actives pour en financer une retraitée. Pour remédier à ces problèmes, de nombreux pays européens ont relevé l'âge de départ à la retraite, et principalement celui des femmes, qui a souvent été aligné sur celui des hommes, comme en Autriche.

En Norvège, en Islande et au Danemark, femmes et hommes travaillent même jusqu'à 67 ans. Mais pour Pierre-Yves Maillard, ces modèles sont déconnectés des réalités du monde du travail. "En Suisse, près de la moitié des salariés ne sont déjà plus sur le marché du travail un an avant l'âge légal de la retraite", fait-il valoir.

Une égalité franchement injuste

"De plus, les branches dans lesquelles on utilise le plus les départs anticipés sont les métiers de la finance, c'est-à-dire les métiers les mieux payés", indique-t-il. Et donc "ce sont souvent les salariés pauvres qui travaillent plus longtemps, et qui ont aussi le plus besoin de l'AVS pour pouvoir profiter de ce temps de vie".

Interrogé sur le fait que la Suisse soit l'un des derniers pays à conserver une différence entre les hommes et les femmes sur l'âge légal de départ à la retraite, le syndicaliste rappelle que ces dernières souffrent encore d'inégalités dans les rentes et les salaires, dont une part demeure inexplicable.

"Vouloir régler un problème d'égalité en tapant sur le seul petit avantage qu'elles ont dans l'AVS, c'est franchement injuste", estime-t-il, indiquant également que "si on veut égaliser les âges de retraite, on peut aussi les baisser pour les hommes".

Propos recueillis par Fanny Zürcher

Texte web: Pierrik Jordan

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