Un rapport d'une fondation anti-nucléaire met en doute la sûreté de la centrale de Leibstadt
La plus jeune centrale nucléaire de Suisse, mise en service en 1984, a encore de la vie devant elle, selon le scénario du Conseil fédéral pour un arrêt progressif de l'énergie nucléaire. Le réacteur sera le dernier de son genre à fermer, vers 2045.
Pourtant, les installations avaient à l'origine été conçues pour fonctionner 40 ans, soit jusqu'en 2024. Or, un rapport publié mardi de la Fondation suisse de l'énergie (SES), une organisation qui milite pour la sortie des énergies fossiles et du nucléaire, met en doute la sécurité d'une prolongation de leur durée de vie.
Réactions en Allemagne
La fondation appuie ses recommandations sur une analyse menée sur la centrale de Leibstadt par l'ingénieur allemand Manfred Mertins, professeur en sûreté nucléaire à l'Université des sciences appliquées de Brandenburg. Celle-ci montre des déficits importants dans la sécurité et des écarts par rapport à l'état de la science et de la technologie.
"Je suis donc d'avis que, clairement, d'un point de vue scientifique, les installations ne peuvent pas être modernisées. Les centrales dont nous parlons ici, qui sont en service depuis plus de 40 ans, ne sont pratiquement pas adaptables au niveau que nous exigeons aujourd'hui", estime le spécialiste.
Comme la centrale de Leibstadt est située au bord du Rhin et à proximité de la frontière allemande, l'étude a fait réagir des responsables politiques du sud de l'Allemagne. "L'autorité de surveillance nucléaire de la Suisse en est responsable, et je m'attends à ce qu'elle fasse l'objet d'une enquête", a notamment déclaré la députée allemande Rita Schwarzelühr-Sutter.
Concept de sécurité demandé
Selon le rapport publié par la SES, l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) n'entreprend pas assez pour que les centrales nucléaires se rapprochent le plus possible du niveau de sécurité des réacteurs récents.
Le niveau actuel de sécurité ne correspond donc pas à l'état de la science et de la technologie, estime le rapport. La SES demande ainsi un concept de sécurité pour la prolongation de la durée de vie des centrales suisses.
Celui-ci préconise que les centrales nucléaires de Leibstadt, de Beznau (AG) et de Gösgen (SO) soient soumises à des examens de sécurité tous les 10 ans, et leur statut devrait être réévalué après 40 années d'exploitation.
Pas de durée de vie légale
De plus, dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050 adoptée en 2016, le Parlement a omis de lier l'exploitation à plus long terme des centrales à des exigences de sécurité efficaces, déplore encore la SES.
Les centrales nucléaires suisses n'ont pas de limite légale de durée de vie, comme c'est le cas en France, en Espagne ou encore en Belgique. Ce sont les exploitants qui sont responsables de maintenir les centrales aux normes de sécurité et de modernité, tandis que l'IFSN assume le rôle d'autorité de surveillance.
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