Condamnés en deuxième instance pour avoir dénoncé les investissements de Credit Suisse dans les énergies fossiles, en organisant une fausse partie de tennis dans les locaux de la filiale lausannoise de la banque en 2018, ces militantes et militants contestent la décision du Tribunal fédéral auprès de la CEDH.
Ce déplacement est avant tout symbolique, car la requête officielle a été envoyée par la poste vendredi matin. Mais avec cette action, les activistes et leurs avocats souhaitent maintenir ouvert le débat sur ce qu'ils estiment être une répression trop violente contre l'activisme climatique en Suisse.
Jurisprudence défavorable
Selon leurs avocats, leur condamnation bafoue tout simplement le droit à la liberté d'expression et de réunion. Juridiquement, leur action s'appelle un "acte d'expression juridique'', qui est protégé par la CEDH. On ne peut le restreindre pénalement qu'à des conditions très strictes, expliquent-ils.
La décision du Tribunal fédéral fait jurisprudence en Suisse en matière de désobéissance civile dans la lutte contre le réchauffement climatique. Or, plusieurs dizaines de procès pour d'autres actions climatiques menée en 2019 et 2020 sont en cours actuellement en Suisse. Des premières condamnations ont été prononcées, à des amendes et des jours amende.
La CEDH ne connaît pas l'état de nécessité
"Ce que disent les tribunaux suisses, c'est que dans une société démocratique, les buts politiques et idéaux doivent être en principe poursuivis par des moyens politiques (institutionnels, ndlr.), respectivement des moyens juridiques. Et qu'on ne peut pas violer le droit à la propriété sur un simple motif de droit à l'expression", explique Marc Henzelin, avocat spécialisé en droit international, interrogé dans le 12h30.
En déposant un recours à Strasbourg auprès de la plus haute instance juridique possible, les activistes espèrent changer la donne, et envoyer un signal fort pour les prochains procès de militants. Ils sont, à leur connaissance, les premiers à saisir la CEDH pour de l'activisme climatique.
Mais "l'état de nécessité" plaidé par les activistes devant les tribunaux suisses n'existe pas en droit européen, souligne Marc Henzelin. "Strasbourg ne connaît pas ce fait justificatif légal", indique-t-il. En revanche, la CEDH connaît le droit à la manifestation et à la liberté d'expression, "mais normalement dans le domaine public", précise-t-il.
Malika Scialom/jop avec ats
Durée de procédure indéterminée
La durée d'une procédure devant la CEDH est très difficile à estimer. La Cour s'efforce de traiter les affaires dans les trois ans suivant leur introduction, mais l'examen de certaines affaires prend parfois plus de temps, et il arrive aussi que certaines d'entre elles soient traitées plus rapidement, indique-t-elle sur son site.