"En Suisse, on parle très peu de ces violences comme des violences de genre, c’est-à-dire des violences qui arrivent aux femmes parce qu’elles sont femmes", explique dans Le Point J Faten Khazaei, sociologue à l’Université de Goldsmiths, à Londres, dont la thèse de doctorat porte sur la prise en charge des victimes de violences conjugales par les institutions suisses.
Ainsi, dans le langage des politiques publiques, parfois même dans certains médias, on parle plutôt de "violences domestiques" et il arrive même encore de parler de "drame passionnel". "Employer le terme féminicide (littéralement 'être tuée parce qu’on est une femme') permet de mettre l’accent sur le fait que les femmes meurent dans des situations différentes que les hommes", explique-t-elle.
La recherche montre que les femmes sont davantage en danger dans la sphère privée, menacées par des hommes qu’elles connaissent, alors que pour les hommes cela se passe dans la majorité des cas dans la sphère publique et par la main d’autres autres hommes.
Les femmes meurent dans des situations différentes que les hommes, on ne peut donc pas utiliser les mêmes lois et les mêmes institutions de manière indifférenciée
"Lutter efficacement contre les féminicides commence par le fait de reconnaître juridiquement ce terme », analyse la sociologue. C’est justement le cas de l’Espagne, qui est pionnière dans la lutte contre les violences de genre. Elle a introduit dès 2004 une loi spécifique pour lutter contre le féminicide. Dans ce pays, les meurtres de femmes sont en baisse.
"C’est un problème sociétal, ça s’inscrit dans la manière dont on apprend à être en relation entre homme et femme. Pour pouvoir véritablement faire un pas contre ce type de violence, il faudrait sensibiliser la population dès le plus jeune âge et déconstruire les normes sociales qui demandent aux jeunes hommes d’affirmer leur identité masculine par utilisation de force et violence", conclut la sociologue.
Juliane Roncoroni et l’équipe du Point J