Philippe Thalmann: "La Suisse part faire du shopping dans le monde pour réduire ses émissions de CO2"
Réunis encore cette semaine à la COP26 de Glasgow, les Etats tentent d'arracher un mécanisme légal sur la compensation d'émissions de gaz à effet de serre à l'étranger. La Suisse a signé des accords bilatéraux pionniers sur cette question.
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Selon Philippe Thalmann, la compensation carbone consiste, pour un pays pollueur, à payer un autre Etat pour y réduire les émissions de CO2. Cela afin d'éviter au pays pollueur de réduire lui-même ses propres émissions. Et tout cela à un prix avantageux.
"Un exemple a été mis en place tout récemment par la Suisse, en partenariat avec le Pérou. Une fondation a financé la production et la distribution de cuisinières à bois plus efficaces, qui permettent dans ce pays d'économiser du bois et donc de réduire le déboisement", explique le spécialiste mercredi dans La Matinale.
Pérou, Sénégal, Ghana et Géorgie
Après ce premier accord avec le Pérou, la Suisse a décidé également de financer notamment des usines de biogaz dans les fermes sénégalaises, des énergies renouvelables au Ghana ou la promotion de l'efficacité énergétique des bâtiments en Géorgie.
"L'article 6 de l'Accord de Paris de 2015 prévoit la collaboration entre pays pour réduire leurs émissions. La Suisse a pris un peu d'avance, elle est même la première à avoir signé un accord avec un autre pays. Pour valider cette collaboration, notre pays essaye de faire reconnaître cela comme valable par rapport à ses propres engagements, notamment de réduire de 50% les émissions d'ici 2030", indique Philippe Thalmann.
Le professeur de l'EPFL estime que la démarche est décourageante. "Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour atteindre une telle réduction. La compensation carbone arrive un peu en désespoir de cause pour quand même compléter les objectifs. La Suisse est partie faire du shopping dans le monde."
"Une erreur"
Pour Philippe Thalmann, le mécanisme de compensation n'est pas une mauvaise idée, mais il doit être fait en complément des réductions domestiques.
"C'est une erreur de retarder la réduction des émissions en Suisse simplement parce qu'on peut pour l'instant obtenir des réductions meilleur marché à l'étranger. Depuis qu'on a un plan climat, des objectifs de réduction, on n'a jamais réussi à les atteindre entièrement dans le pays. On a chaque fois dû compter sur les réductions étrangères", déplore-t-il.
Mardi, Greenpeace Suisse a reproché à la Suisse de compter trop sur cette "exportation" de réduction des émissions à l'étranger. Au Parlement, les discussions actuelles portent sur une limitation à 25% du total des efforts qui pourraient être compensés en dehors de la Suisse.
Propos recueillis par Valérie Hauert
Adaptation web: Guillaume Martinez