"Ce serait vraiment quelque chose de très exotique. Aucune autorité n'est désignée par tirage au sort !", a déclaré la conseillère fédérale Karin Keller Sutter, en campagne contre l'initiative pour le tirage au sort des juges fédéraux.
Comme elle, tous les partis dénoncent une idée saugrenue. Pourtant, le tirage au sort ne vient pas de nulle part. Dans l'histoire suisse, c’est même une tradition.
Un système très utilisé
L'affirmation de la conseillère fédérale fait bondir les spécialistes, à l'image de Maxime Mellina. Politologue, il ne soutient pas l'initiative, mais il est un expert du tirage au sort en politique. "Le tirage au sort est extrêmement utilisé jusqu'au milieu du 19e siècle, au niveau des législatifs, des exécutifs et dans la sphère judiciaire. Il n'est tellement pas exotique qu’on l’a même qualifié de tradition républicaine suisse", a-t-il expliqué cette semaine dans La Matinale.
Si l'on remonte un peu plus loin, pendant longtemps les élections sont mal vues. Le hasard, lui, permet d'éviter les copinages. On écrème les candidatures, on complète les Parlements, pour éviter les abus.
"Entre 1803 et 1813, les députés du Grand Conseil vaudois étaient élus dans une procédure qui mélangeait l'élection et le tirage au sort. Entre 1798 et 1803, c'était un exemple assez fou: le Conseil fédéral s'appelait le directoire. Une fois par année un des cinq membres était tiré au sort, éliminé, et devait partir", relate Maxime Mellina.
Sombré dans l'oubli
Le tirage au sort a sombré ensuite dans l'oubli. Au siècle dernier, on a misé plutôt sur les compétences. Il restait des vestiges avec les jurys populaires à Genève jusqu'en 2011.
Puis l'idée refait surface. Les mouvements écologistes veulent des assemblées délibératives, des échantillons du peuple, moins de délégation.
L'initiative sur la justice, elle, va dans un autre sens: le hasard ne choisirait pas Madame tout le monde, mais parmi des juristes triés par des experts. Le but est avant tout de couper les liens des juges avec les partis.
Sujet radio: Etienne Kocher
Adaptation web: Jean-Philippe Rutz