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Une pétition veut interdire la reconnaissance faciale automatisée dans l'espace public

Une pétition veut interdire la reconnaissance faciale automatisée dans l’espace public en Suisse
Une pétition veut interdire la reconnaissance faciale automatisée dans l’espace public en Suisse / 19h30 / 2 min. / le 18 novembre 2021
La reconnaissance faciale automatisée et la surveillance biométrique de masse devraient être interdites dans l'espace public sur le territoire suisse, demandent trois ONG. Elles ont lancé jeudi une pétition en ce sens.

La Suisse ne dispose actuellement pas d'une législation efficace pour limiter l'utilisation des systèmes de reconnaissance faciale, ont déploré jeudi Amnesty International, AlgorithmWatch CH et Société Numérique. Ces technologies permettent aux autorités et autres entités privées de surveiller les lieux publics 24h sur 24 de manière entièrement automatisée.

Le principal danger vient du croisement des données de la surveillance vidéo et de la reconnaissance faciale, expliquent-elles. Il permettrait d’identifier automatiquement toute personne se trouvant dans le champ d'une caméra, une technologie inconciliable avec le respect des droits humains au yeux de la porte-parole d'Amnesty International Nadia Bohlen.

"Toute une série de personnes vont craindre l'usage de ces technologies dans l'espace public et s'empêcher de manifester leur opinion. C'est aussi une entrave à la liberté d'expression et de rassemblement", a-t-elle expliqué jeudi dans La Matinale de la RTS.

Doutes sur la légalité du procédé

Les trois organisations relèvent que ces systèmes sont de plus en plus utilisés en Europe et qu'il est probable qu'une loi autorisant un large recours à ces technologies soit prochainement instaurée en Suisse. Ces dernières pourraient aussi se répandre même en l'absence d'une base juridique suffisante.

Selon les trois ONG, des enquêtes ont récemment montré que les forces de police suisses travaillent déjà avec des logiciels de reconnaissance faciale. Or, selon elles, "des doutes existent sur la légalité de telles pratiques".

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Utile pour la justice

Mais cette technologie peut aussi s'avérer utile pour la justice. Pour Sami Hafsi, président de la Conférence des chefs de police judiciaire de Romandie, Berne et Tessin, la possibilité d'identifier des criminels dans le cadre d'une affaire judiciaire n'est pas à jeter. "Imaginez un auteur de brigandages. Sa photographie est comparée ensuite à des fichiers de police, des photographies des prévenus dont on a pris la photo. C'est important qu'on puisse, au niveau judiciaire, exploiter le contenu des caméras de vidéosurveillance, plaide-t-il.

"Moins de 10% des images sur le terrain sont exploitables de manière automatique. Le reste se fait par l'oeil humain, la comparaison des habits, des modes opératoires, des positions des personnes, ajoute Sami Hafsi.

"Un premier pas alarmant vers une surveillance de masse"

"C'est un premier pas alarmant vers une surveillance de masse généralisée qui ne viserait plus seulement les criminels, mais la population tout entière", souligne pour sa part le directeur de Société Numérique Erik Schönenberger. Pour lui, le danger provient surtout de la possibilité de combiner surveillance vidéo et reconnaissance faciale.

L'aspect sécuritaire mis en avant se fait au prix d'une grave atteinte aux droits fondamentaux de toute une population, estime Erik Schönenberger. "Les technologies de reconnaissance faciale sont en outre souvent discriminatoires, car elles reconnaissent moins bien des visages qui ne sont ni blancs, ni masculins". La surveillance de masse est donc inconciliable avec les droits fondamentaux, conclut-il.

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ats/mcc/vic

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Benoît Gaillard craint une généralisation des contrôles automatisés

Membre du conseil communal à la Ville de Lausanne, le socialiste Benoît Gaillard demande lui aussi, comme principe de base, l'interdiction pure et simple du couplage de la vidéosurveillance et de la reconnaissance faciale dans l'espace public.

"Le potentiel de dangerosité de cette technologie est avéré et n'est pas contesté. Le réseau européen de préposés à la protection des données le dit", a réagi Benoît Gaillard au micro de La Matinale de la RTS jeudi.

D'abord l'interdiction, puis les exceptions

"On veut faire précisément l'inverse de ce qui s'est fait avec les technologies de surveillance dans le passé, qui ont été déployées peu à peu et auxquelles on s'est habitués. Sinon, on commence par dire que c'est pour quelques services de police, puis c'est dans un stade, puis dans quelques stations ou gares des transports publics... Et comme à chaque fois le pas est petit, on ne discute jamais du principe", déplore Benoît Gaillard.

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Il invite, cette fois-ci, à commencer par poser la question de principe, aboutir à une interdiction, puis discuter par la suite d'exceptions ou de cas limites.

>> Ecouter l'interview de Benoît Gaillard :

Benoît Gaillard, conseiller communal à Lausanne. [DR]DR
Interdiction de la reconnaissance faciale automatisée en Suisse: interview de Benoît Gaillard (PS/VD) / La Matinale / 1 min. / le 18 novembre 2021