La ligne téléphonique de la Main tendue reçoit de plus en plus d'appels en rapport avec des pensées suicidaires ces derniers temps. Et à Lausanne, les services du département de psychiatrie du CHUV sont tous occupés à plus de 100% (lire encadré).
Même si une personne sur deux, en Suisse, aura une fois au moins dans sa vie des troubles psychiatriques, la crise sanitaire a clairement amplifié le phénomène.
On est dans une sorte de rebond lié à la peur du virus et aux mesures.
"Au début de la pandémie, on était un peu activés en mode survie et on a pu faire face. Maintenant, les gens s'essoufflent et une vague silencieuse a démarré avec de plus en plus de personnes qui font appel à nous pour des difficultés d'ordre moral et psychique", confirme la psychologue Magali Volery.
"On est dans une sorte de rebond lié à la peur du virus et aux difficultés que l'on a pour faire face aux mesures qu'on doit subir depuis un an et demi", explique-t-elle vendredi dans La Matinale de la RTS.
Les troubles anxieux touchent vraiment massivement les jeunes adultes.
Responsable de la commission psychothérapie à l'Association genevoise des psychologues, cette spécialiste souligne que le ressenti n'est cependant pas le même à tous les âges (lire encadré).
"Chez les personnes âgées, on va voir apparaître plutôt les questions d'isolement, la solitude, la peur du virus qui a des répercussions plus graves dans cette population-là", souligne-t-elle. "Les troubles anxieux, eux, touchent vraiment massivement les jeunes adultes.
Mais la pandémie n'explique pas tout, elle s'ajoute à quelque chose qui bouillonnait déjà avant elle. "La crise climatique s'ajoute à la crise pandémique, ce qui fait qu'on est aujourd'hui dans une situation où l'angoisse est plus grande", constate Magali Volery.
Quand on ajoute la pandémie à la menace climatique, cela créée de l'insécurité.
Et cette double épée de Damoclès affecte tout particulièrement les jeunes adultes. "Beaucoup renoncent à avoir des enfants à cause de la menace climatique, ils nous le disent", assure la psychologue. "C'est compliqué de se construire dans un avenir menacé. Quand on ajoute la pandémie à une menace climatique déjà présente, cela créée de l'insécurité. Et cette insécurité fait qu'on peut ne plus avoir envie d'aller de l'avant".
Pour Magali Volery, il est tout particulièrement important cette année d'être attentifs aux autres. "Le mois de novembre est traditionnellement un mois difficile, mais cette année on voit que les risques sont augmentés. Il faut être à l'écoute de son entourage, prendre soin des autres, ne pas laisser quelqu'un s'isoler sans le recontacter", conseille-t-elle. "Ce sont des choses importantes pour pouvoir traverser cette passe".
S'engager, militer, peut être une stratégie.
Et pour chacun, "il faut se concentrer sur le moment présent, profiter des relations que l'on a déjà construites, et ne pas hésiter à quand même développer un projet, peut-être à moins long terme, mais je pense qu'il y a des choses à faire. Et s'engager, militer, peut être une stratégie".
En forme de boutade, la psychologue conseille encore de faire de ces souffrances psychiques son avenir professionnel. "Il faut en faire son métier si ça ne déprime pas. Il y a beaucoup d'avenir là-dedans!"
Propos recueillis par Valérie Hauert/oang
Quatre situations difficiles à affronter
Magali Volery relève quatre situations principales chez les patients souffrant particulièrement des effets de la pandémie:
- Dans la population active, la pression est surtout liée à la perte d'emploi ou à la fermeture d'entreprises. "L'insécurité, la précarité économique créent un stress énorme, de l'anxiété".
- Chez les jeunes adultes, la situation crée surtout les troubles anxieux. "C'est une peur qui apparaît parce qu'il y a eu une diminution des contacts pendant la période du semi-confinement (…) et aujourd'hui la reprise est difficile. L'anxiété, les attaques de panique, sont fréquentes".
-La question de l'isolement va toucher davantage les personnes âgées ou les personnes sans emploi. "Le manque d'activité sociale créée plutôt des troubles dépressifs et ça augmente le risque suicidaire".
- Les familles voient monter la tension en leur sein. "Plus on est à domicile, plus on est les uns sur les autres, génère des conflits et parfois de la colère voire de la violence".
Le département de psychiatrie du CHUV saturé
Le département de psychiatrie du CHUV, à Lausanne, est dans une situation critique. Saturé, l'établissement vaudois alerte et envisage même de diriger certains patients vers des hôpitaux d'autres cantons.
Dans un courriel envoyé mardi par le CHUV aux psychiatres vaudois, on apprend que tous les services de psychiatrie sont occupés à plus de 100%.
L'hôpital parle "d'engorgement critique" et "d'une situation extrêmement tendue", mais dit avoir pris des mesures.
Il s'agit notamment de raccourcir certains séjours quand c'est possible ou de maintenir des patients en ambulatoire. Mais certains devront peut-être être dirigés vers d'autres cantons.
Contacté par la RTS, le directeur des soins Vincent Schneebeli souligne que la demande s'est un peu tassée durant la pandémie, avant de repartir à la hausse cet été.