Communes cherchent nouvelle population... quitte à payer

Vivre en campagne, loin du stress urbain, de la pollution et recevoir de l’argent pour ça ! En Suisse, c’est possible.  Depuis plusieurs années, les régions périphériques ou de montagne perdent des habitants.

Et pour inverser la tendance, les communes redoublent d’imagination.  Avantages fiscaux, subventions pour les enfants, aide à la rénovation. Tous les moyens sont bons pour attirer de nouveaux résidents. Principalement des jeunes, synonyme de dynamisme et de futures familles.  

En 2017, la proposition d'Albinen fait l'effet d'une bombe médiatique. Le village valaisan promet jusqu'à 70'000 francs pour l'installation d'une famille. Attiré par la somme, 36 adultes et 9 enfants sont venus s'installer dans la commune de 254 habitants. Les nouveaux habitants doivent avoir moins de 45 ans, rester dans la commune au moins 10 ans et investir un minimum de 200'000 francs dans un projet immobilier.

Une lente érosion

Autre ambiance en Ajoie, dans le canton du Jura. En 2020, le district, qui partage une frontière avec la France, a perdu 122 habitants. Des stratégies se mettent en place. Pas très loin de l’autoroute A16, l’entreprise Louis Bélet SA inaugure un tout nouveau bâtiment pour ses 150 employés. Et avec lui, des incitations aux pendulaires pour s’installer dans la région. 

Une prime de 3000 francs est versée par l'entreprise aux personnes qui viennent s'établir à Porrentruy ou Vendlincourt, et qui n'utilisent plus la voiture pour aller travailler. La démarche est partie d'une réflexion autour de la mobilité.

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"Nous nous sommes dit que les communes pourraient aussi être intéressées par de nouveaux contribuables", explique Arnaud Maître, codirecteur de cette entreprise de micro-outils.

Les deux communes décident également de soutenir l'installation par un chèque de 3000 francs supplémentaire si l'employé n'habite pas dans le canton du Jura. Mais la démarche n'emballe pas les travailleurs. 

Une aide chaque année?

La proximité des grands-parents pour garder les enfants, le coût de la vie ou l'éloignement des amis sont autant de freins au déménagement. "En cumulant le tout, on s'en sort mieux en restant en France. Il faudrait un avantage constant, pas une prime unique", estime un employé frontalier.

"Je vais venir habiter à Porrentruy fin mars", annonce un salarié jurassien qui touchera uniquement 3000 francs de l'entreprise. "Je l'aurais fait de toute façon, même sans la prime. J'habite à 34 km et c'est plus avantageux en termes de trajets avec la voiture."

Le maire de Porrentruy, Gabriel Voirol, ne s'attend pas à recevoir beaucoup de demandes. "Cette petite prime a plutôt pour objectif de faire réfléchir les gens. On souhaite viser les jeunes frontaliers qui n'ont pas encore une famille avec une maison en France".

En Valais, à la frontière italienne, la commune de Bourg-Saint-Pierre s'est lentement dépeuplée. " Il y a toujours les mêmes trois phases", explique Gilbert Tornare, président de la commune depuis 1993. "D'abord, ils partent travailler en plaine et remontent le soir. Fatigués par les trajets, ils se prennent une chambre. Et finalement, on ne les revoit plus."

Entretenir le village

Située à 1630 mètres dans la montée du Grand Saint-Bernard, la commune cherche alors une solution pour faire venir de nouveaux habitants et conserver les anciens. La subvention pour les familles augmente en 2018: 500 francs par an pour un enfant qui n'est pas encore scolarisé, 1000 francs pour l'école primaire, 2000 francs pour le secondaire et 2500 francs pour un apprenti ou un étudiant. Dans le même temps, la commune baisse drastiquement ses impôts.

"Ce n'est pas beaucoup pour conserver des gens dans un village de montagne", explique Gilbert Tornare. Le dispositif est complété par des aides communales et cantonales au logement pour les résidences principales. Cinquante-huit personnes se sont installées ces quatre dernières années.

Ces subventions ont une autre fonction: entretenir les habitations. Depuis, le village est régulièrement en chantier. Actuellement une demi-douzaine de maisons sont en rénovation. 

La semaine à Genève

Le village est à une trentaine de minutes en voiture de Martigny, Sembrancher ou Aoste en Italie. Une situation idéale pour Sébastien Brunny, un policier genevois venu s'installer à Bourg-Saint Pierre. Il continue de travailler et dormir la semaine à Genève.

"Je payais mes impôts à Genève-ville avant. Quand j'ai vu les impôts ici, j'ai dû regarder à plusieurs reprises. C'est incomparable". Il a également reçu une aide de 30'000 francs pour rénover une maison. Une subvention qui a pesé dans la balance au moment de déménager.

Edouard, 54 ans, est un enfant du village. Il voit d'un bon œil l'arrivée de ces nouveaux habitants. "Ça donne du boulot aux gens de l'endroit et le village est plein de vie."

"Ici le climat est rude", raconte le président Gilbert Tornare. "On a l'habitude d'avoir des hivers de 6 mois!". Sans les aides, le village serait en voie de disparition. Il en est convaincu.

Coraline Pauchard, Martine Clerc

>> Regardez le débat de l'émission Forum consacré aux petites communes qui cherchent des habitants :