Une escapade en Chine est agendée dans le programme d’Ignazio Cassis pour la fin de cette semaine. Si l’information n’est pas officiellement confirmée, plusieurs sources concordantes ont confirmé le voyage à la RTS. Ce déplacement, s’il est maintenu, marquera des retrouvailles attendues entre Ignazio Cassis et Wang Yi. Les deux ministres des Affaires étrangères avaient promis, lors de leur rencontre en 2018, de se voir régulièrement.
La Suisse et la Chine continuent d’entretenir une relation privilégiée, même si des tensions sont apparues ces derniers mois. Par la voix de son ambassadeur à Berne, Pékin avait vivement critiqué la stratégie "Suisse-Chine" du Conseil fédéral, appelant la Confédération à "abandonner ses préjugés idéologiques". Une réaction courroucée au document suisse publié au printemps dernier dans lequel le gouvernement souligne la dérive autoritaire de Pékin et la persécution des minorités.
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La Suisse n'a pas signé
L’envoyé chinois avait aussi fustigé la participation de la Suisse à la "déclaration commune transrégionale sur la situation des droits de l’homme au Xinjiang". En 2019 et en 2020, la Suisse s’est en effet joint dans le cadre du Conseil des droits de l’homme de l’ONU à cette condamnation internationale de la répression des Ouïghours. Une initiative dont Berne a choisi de se distancier en octobre dernier, renonçant à signer cette déclaration annuelle.
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Le casse-tête sanitaire
Si l’ambiance semble actuellement propice à une rencontre diplomatique, l’aspect sanitaire reste un véritable casse-tête. Pékin tient dur comme fer à sa stratégie "zéro Covid" et n’a pas rouvert ses frontières depuis plus d’un an. Les rares étrangers admis sur le territoire doivent se plier à une quarantaine en centre fermé entre 14 et 21 jours à leur arrivée.
Les hauts responsables en visite diplomatique bénéficient, eux, d’un relatif régime d’exception. Ils sont généralement placés dans une bulle sanitaire de laquelle ils ne peuvent sortir en aucun cas. Pékin, le cœur du pouvoir, leur reste inaccessible. Ils sont accueillis dans des villes périphériques.
Lors de sa visite en Chine il y a quelques mois, John Kerry, envoyé spécial pour le climat de l'administration Biden, a par exemple été cantonné à un bâtiment proche de Shanghai. Le personnel diplomatique américain basé en Chine qui l’avait rencontré lors de ce bref séjour avait dû respecter une quarantaine stricte après son départ. Une procédure lourde susceptible de décourager les voyages diplomatiques: depuis le début de la pandémie, seule une dizaine de représentants étrangers se sont rendus en Chine.
Reprise des face à face
La Suisse s’apprête donc à rejoindre le club: le voyage à venir signe la reprise des face à face entre les dirigeants suisses et chinois. Soucieux de soigner leurs relations privilégiées avec la Chine, les conseillers fédéraux se rendaient quasi annuellement dans le pays avant l’irruption du Covid.
Mais que dire du moment choisi? Comment justifier ce déplacement alors que la Chine maintient des conditions d’accès draconiennes à son territoire? Une rencontre à distance, via écrans interposés, n’était-elle pas envisageable? Interrogé, le Département fédéral des affaires étrangères ne fait aucun commentaire. Il n’a pas confirmé le déplacement. Tout au plus reconnaît-il qu’Ignazio Cassis a bel et bien prévu de se rendre en Chine d’ici la fin de l’année.
Contexte tendu
A noter enfin le contexte international tendu dans lequel devrait avoir lieu la rencontre. A trois mois des Jeux olympiques, Pékin se retrouve plus que jamais sous le feu des critiques au sujet du Xinjiang, du Tibet, et de la reprise en main de Hong Kong. Les appels au boycott se sont encore intensifiés ces derniers jours dans le sillage de l’affaire de la joueuse de tennis Peng Shuai.
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Etienne Kocher et Michael Peuker/jpr/iar