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Un deuxième milliard pour relancer les discussions avec l'Union européenne?

Un deuxième milliard pour relancer les discussions avec l'UE: débat entre François Nordmann et Angelina Tiana Moser
Un deuxième milliard pour relancer les discussions avec l'UE: débat entre François Nordmann et Angelina Tiana Moser / Forum / 9 min. / le 23 novembre 2021
La commission de politique extérieure du Conseil national fait un pas en direction de Bruxelles. Pour débloquer les relations avec l'Union européenne, elle propose de doubler le milliard de cohésion. Mais elle pose une condition: l'intégration de la Suisse aux programmes européens Horizon Europe et Erasmus+.

Fin septembre, le Parlement débloquait le milliard de cohésion qui doit être versé à l'Union européenne (lire encadré). Aujourd'hui, une claire majorité de la commission de politique extérieure du Conseil national (CPE-N) soutient l'idée de doubler la contribution de la Suisse à la cohésion, la faisant passer à deux milliards de francs. Elle a approuvé par 15 voix contre 9 et une abstention une demande en ce sens émanant du socialiste bâlois Eric Nussbaumer.

La commission déposera cette proposition durant la session d'hiver, lors de la discussion sur le budget 2022, ont indiqué mardi les services du Parlement. Si le texte devait être approuvé, la contribution de la Confédération passerait de 953 millions de francs à près de deux milliards. Le montant serait versé sur une dizaine d'années, soit quelque 200 millions de francs par année au lieu des 100 millions prévus jusqu'à présent.

Cette augmentation est toutefois soumise à une condition: la signature d'ici la mi-2022 de l'accord d'association de la Suisse à plusieurs programmes européens en cours, dont le programme d'encouragement à la recherche et à l'innovation Horizon Europe, doté d'un budget de près de 100 milliards d'euros pour la période 2021-2027, ainsi que le programme d'échange d'étudiantes et étudiants Erasmus+, précise le communiqué.

"Faire un pas en direction de l'UE"

"Avec cette proposition, la commission veut faire un pas en direction de l'Union européenne", explique sa présidente Tiana Angelina Moser (Vert'libéraux/ZH). L'idée est de fournir au Conseil fédéral "de la substance de négociation supplémentaire" en vue de sa prochaine rencontre avec la Commission européenne, prévue dans le courant du mois de janvier 2022. Le dossier européen est en effet complètement bloqué depuis que le gouvernement a enterré l'accord-cadre il y a six mois.

Les détracteurs de la proposition considèrent, eux, qu'offrir davantage d'argent ne va rien arranger. "Bruxelles souhaite un rapport institutionnel avec la Suisse et veut l'obtenir moyennant un certain nombre de pressions politiques. On ne va pas acheter la renonciation de l'UE à ce but avec autant de milliards que l'on voudra. Tout ce qu'on fera, c'est montrer à quel point nous sommes désespérés et nous mettre dans une position de faiblesse pour les prochaines négociations", affirme l'UDC genevois Yves Nidegger.

Voie difficile au Parlement

Quoi qu'il en soit, la proposition doit encore passer la rampe en plénum. Le résultat devrait être plus serré qu'au sein de la commission de politique extérieure, cette dernière étant réputée plus europhile que la Chambre du peuple dans son ensemble. Le cas échéant, il faudra ensuite convaincre la Chambre des cantons, ce qui est loin d'être acquis.

Personnellement opposé à cette idée, le président de la commission de politique extérieure du Conseil des Etats Damian Müller (PLR/LU) estime d'ailleurs que la proposition n'a aucune chance de recueillir une majorité. Et de rappeler que "l'Union européenne ne veut pas seulement de l'argent, mais aussi un contrat de partenariat". Plutôt qu'un milliard de plus, c'est "un concept et une stratégie du Conseil fédéral" en matière de politique européenne dont la Suisse a besoin.

"Maintenant, ça n'est vraiment pas bon"

Sur le plateau du 19h30, Micheline Calmy-Rey rappelle que le premier milliard de cohésion n'était pas une négociation: "J'avais téléphoné au commissaire Patten pour lui dire que la Suisse était prête à verser un milliard de francs au bénéfice des dix nouveaux pays membres qui étaient entrés dans l'Union européenne. La Suisse y avait aussi intérêt, parce qu'on avait intérêt à ce que ces pays se portent bien et qu'on puisse exporter nos marchandises là-bas."

>> L'interview de Micheline Calmy-Rey dans le 19h30 :

Milliard de cohésion: les précisions de Micheline Calmy-Rey, ancienne présidente de la Confédération.
Milliard de cohésion: les précisions de Micheline Calmy-Rey, ancienne présidente de la Confédération. / 19h30 / 3 min. / le 23 novembre 2021

Pour l'ancienne présidente de la Confédération, la situation actuelle est à la fois "analogue et différente": "Quand nous avions négocié le premier milliard, on était à la fin des négociations des Bilatérales II et il s'agissait, finalement, de terminer la négociation, avec succès, en offrant un milliard. Aujourd'hui, la situation est quand même un petit peu différente. Le premier milliard était échu à la fin 2017 et on aurait dû verser le deuxième milliard; la commission double simplement la somme, parce qu'on peut considérer que le milliard était dû et, donc, on double pour essayer que ce soit aussi un geste de bonne volonté pour espérer Horizon Europe et pour la recherche".

Ce nouveau milliard pourrait avoir un aspect humiliant: "Pour l'Union européenne, ça peut être un petit peu …discutable", souffle Micheline Calmy-Rey. "Elle peut penser qu'on essaie de l'acheter. Je ne suis pas sûre que ce soit très très bien pris du côté de Bruxelles. Maintenant, on peut espérer que ça induise une situation un petit peu plus favorable: car il faut dire que maintenant ça n'est vraiment pas bon", souligne-t-elle.

Didier Kottelat/sjaq avec ats

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Fonds affectés à des projets et à des programmes spécifiques

Voté à la fin septembre par le Parlement, le crédit-cadre pour la cohésion, d'un montant exact de 1,047 milliard, doit aider à réduire les disparités économiques et sociales dans l'Europe élargie. L'accent doit notamment être mis sur la formation professionnelle.

Les fonds ne peuvent être engagés que d’ici au 3 décembre 2024. Ils ne sont pas directement versés aux pays partenaires mais affectés à des projets et à des programmes spécifiques.

Au total, 1,302 milliard de francs doivent être libérés. Au milliard de cohésion s'ajoute en effet le crédit pour la migration (190 millions de francs), qui doit permettre de soutenir les pays d'Europe du Sud. Les quelque 65 millions restants doivent servir pour les charges propres de l'administration fédérale.