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Villa, cohabitation, location: comment des biens immobiliers des Eglises se transforment

15 Minutes eglises
Désertés, certains biens immobiliers de l'Eglise se transforment / L'actu en vidéo / 2 min. / le 26 novembre 2021
Moins fréquentés, certains locaux appartenant aux Eglises ne sont plus utilisés. L'entretien et le financement de ces lieux deviennent alors compliqués et la question de leur réaffectation se pose. L'émission 15 Minutes s'est rendue dans ces endroits qui tentent tant bien que mal de s'adapter.

Alors que 99% des Suisses se disaient catholiques ou évangéliques réformés en 1910, ils ne sont plus que 57% à appartenir à ces catégories, indiquent des chiffres de l'Office fédéral de la statistique (OFS).

En outre, plus de 31'400 personnes ont quitté l'Eglise catholique l'an dernier, tandis que 735 y ont adhéré, selon une étude de l’Institut de sociologie pastorale de Saint-Gall (SPI), publiée au début novembre.

La baisse du nombre de fidèles et le recul des personnes engagées dans les Eglises ont pour conséquence des locaux inoccupés ou moins occupés, dont certains lieux de culte.

L'une des solutions pour les pérenniser passe par une reconversion. Temples, églises, monastères: plusieurs dizaines de ces lieux ont été réaffectés en Suisse ces dernières années. C'est ce qui ressort d'un décompte de l'Université de Berne. L'enjeu est financier, mais la question souvent émotionnelle.

Une chapelle transformée en villa

Joëlle Eymann habite dans une chapelle. Ou, plus précisément, dans une chapelle transformée en maison familiale. Aujourd'hui, cette petite église du Locle (NE) est devenue un loft de 210 mètres carré, surplombé d'un plafond dépassant les quatre mètres de hauteur. L'autel s'est mué en cuisine, la grande croix en hotte de ventilation.

Joëlle Eymann. [RTS - Coraline Pauchard]
Joëlle Eymann. [RTS - Coraline Pauchard]

Tous ces changements n'ont toutefois pas effacé l'histoire du lieu: "Mon papa et ma maman se sont mariés ici", raconte Joëlle Eymann.

Yves Moreau est un membre historique de la paroisse catholique du Locle. Il se souvient de cette réaffectation:  "Il y a toujours une part de sentimentalisme, car c'est comme si c'était notre propre habitation. J'y ai notamment baptisé mes enfants."

Il revient sur l'histoire de la chapelle, construite dans les années 1960 dans un style assez moderne: "Elle avait sa raison d'être de par le fait que les quartiers Ouest du Locle se sont beaucoup développés. Dans les années 2000, il y avait déjà moins de prêtres et les quartiers Ouest se sont moins développés. Il y avait, dès lors, des frais relativement importants pour des locaux qui n'étaient pratiquement plus utilisés."

D'où sa vente il y a quelques années: "C'était l'occasion pour la paroisse d'avoir une entrée financière", précise Yves Moreau. Une décision qui n'a pas fait l'unanimité à l'époque: "Les paroissiens de la région Ouest de la ville étaient peu enclins à s'en séparer."

Mais cela aurait pu être pire, dit-il: "Je pense qu'ils n'auraient pas accepté s'il y avait eu d'autres projets pour cette chapelle, comme une transformation en garage ou en lieu public."

Quand des soeurs cohabitent avec des enfants

Pour une communauté religieuse, renoncer à tout ou partie d'un bien lui appartenant, avec l’histoire qu’il renferme, ce n’est pas anodin. En ville de Fribourg, les sœurs de Saint-Joseph de Cluny en savent quelque chose, elles qui ne sont plus que quatre aujourd’hui.

A l’époque, leur immense bâtisse hébergeait aussi un pensionnat pour jeunes filles. Il a donc fallu occuper ces grands espaces vides. Les sœurs cohabitent notamment depuis quelque temps avec une autre communauté, plus jeune et plus bruyante: les enfants d’une crèche.

Les sœurs de Saint-Joseph de Cluny, à Fribourg. [RTS - Coraline Pauchard]
Les sœurs de Saint-Joseph de Cluny, à Fribourg. [RTS - Coraline Pauchard]

Mais derrière la bonne humeur, restent les doutes: "Notre supérieure générale est venue nous demander comment nous voyions notre avenir. Je lui ai dit que je n'en savais rien", rapporte Sœur Dominique Jacqueroud, benjamine du groupe, à 76 ans. Elle ajoute: "On essaie de tenir aussi longtemps que possible dans cette maison. C'est notre maison et nous aurions beaucoup de peine si nous devions la quitter ou en céder une autre partie. On attend... Seigneur, que veux-tu de nous?"

Pour l'évêché, propriétaire du bâtiment via une fondation, l'essentiel est d'éviter la vente des lieux. De manière générale, en cas de réaffectation, "la priorité principale, c'est de laisser autant que possible le lieu à sa destination initiale, c'est-à-dire une communauté religieuse", explique Jean-Baptiste Henry de Diesbach, président du conseil d'administration de l'évêché. "A défaut, on va essayer de trouver une utilisation pour l'Eglise catholique ou, accessoirement, pour une autre confession chrétienne. Si ce n'est pas possible, on va chercher une utilisation sociale, culturelle, d'utilité publique."

La solution de rendement figure en dernier recours: "Cela fait partie de la responsabilité de l'Eglise de conserver, autant que possible, son patrimoine, de manière à le rentabiliser et à assurer sur le long terme le salaire des gens qui travaillent pour l'Eglise ou ses frais de fonctionnement", précise le responsable.

Se séparer d'un lieu de culte nécessite un protocole particulier, soit une désacralisation: "C'est une dernière messe au cours de laquelle on enlève les reliques qui sont dans l'autel. C'est très simple à faire, mais administrativement très lourd, avec une série de consultations qui remontent, dans certains cas, jusqu'au Vatican", explique Jean-Baptiste Henry de Diesbach.

Locations à d'autres communautés

Pour occuper des lieux de culte moins utilisés ou totalement désertés, une solution vient parfois d’autres communautés religieuses, notamment issues des migrations. A Genève, la paroisse protestante des 5 communes loue par exemple un de ses trois lieux de culte à une autre communauté.

La chapelle des Cornillons, dans le canton de Genève. [5communes.epg.ch]
La chapelle des Cornillons, dans le canton de Genève. [5communes.epg.ch]

"Au vu de la baisse de fréquentation et de l'utilisation qui n'en était plus faite, elle est louée à d'autres paroisses chrétiennes", commente Eva di Fortunato, présidente de l’Eglise protestante de Genève. Ce fonctionnement a plusieurs objectifs: "Cela permet l'utilisation et l'entretien, mais cela permet aussi d'avoir des revenus supplémentaires pour les paroisses ou pour l'Eglise protestante."

En termes de réaffectations, Eva di Fortunato estime à titre personnel qu'il n'y a pas de tabou: "Chez les protestants, les églises ont une valeur symbolique. Ce sont des lieux de communauté et n'ont pas un côté sacré. Donc il n'y a pas de blocage à ce niveau. Mais c'est un attachement pour les personnes, c'est de l'histoire aussi."

Doit-on s'attendre à des transformations en bar ou en restaurant comme c'est le cas dans certains pays? "Pour l'instant, il n'y a pas de projet farfelu ou complètement différent de ce que nous avons comme utilisation actuellement." Mais difficile d’exclure ce genre de reconversion à l’avenir. "Nous avons des habits trop grands pour ce que nous sommes aujourd’hui", estime Eva di Fortunato.

>> Le reportage de 15 Minutes sur la réaffectation des biens immobiliers des Eglises :

Une chapelle transformée en villa au Locle. [Joëlle Eymann]Joëlle Eymann
15 Minutes - Que faire des locaux plus utilisés par les Eglises? / 15 minutes / 15 min. / le 27 novembre 2021

Coraline Pauchard et Guillaume Rey

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