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"J'ai été licenciée après mon congé maternité"

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"J'ai été licenciée après mon congé maternité" / L'actu en vidéo / 4 min. / le 1 décembre 2021
Faut-il protéger davantage les jeunes mères contre un licenciement? Cette question, débattue ce jeudi au Conseil des Etats, concerne de nombreuses femmes en Suisse. Directement concernée, Lisa a engagé des procédures contre son ancien employeur. Elle témoigne au micro de la RTS.

Plus d'une femme sur dix en Suisse qui avait un emploi avant son accouchement n'en a plus après son congé maternité, malgré un souhait de retravailler. En cause: un licenciement ou un refus de l'employeur d'accorder une réduction de temps de travail.

C'est ce qui ressort d'une étude publiée en 2018 par le Bureau d'études de politique du travail et de politique sociale, pour le compte de la Confédération.

Une autre raison évoquée

Lisa* connaît bien cette problématique. Jusqu'à récemment, cette trentenaire travaillait pour une grande entreprise en Suisse alémanique, active dans la finance. Elle a été licenciée après le congé maternité pour son deuxième enfant. "Le motif évoqué était qu'on ne pouvait plus me proposer un poste à temps partiel, en raison d'une future réorganisation au niveau global de l'entreprise", rapporte-t-elle jeudi dans La Matinale.

Or, selon elle, la raison principale concernait plutôt sa maternité: "A chaque entretien d'évaluation, il y avait toujours un petit mot par rapport à ma situation familiale. J'ai ressenti plusieurs fois des discriminations."

Et de rapporter certaines remarques adressées durant ces entretiens: "Pas d'augmentation pour toi, car tu vas être absente en raison d'un congé maternité. Et lorsque j'allaitais mon fils, on me disait 'tu es sûre que tu peux enregistrer autant d'heures de travail pour l'allaitement?'."

>> Le sujet dans La Matinale :

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Les jeunes mères sont-elles suffisamment protégées contre un licenciement? (vidéo) / L'éclairage d'actualité / 3 min. / le 2 décembre 2021

"Démence de grossesse"

Certains mots de son supérieur résonnent encore: "Lors de ma première grossesse, j'ai eu un entretien d'évaluation durant lequel l'expression 'démence de grossesse' a été citée. Je n'avais jamais entendu cela auparavant. Il faisait référence à des erreurs que j'aurais commises. J'ai demandé à avoir des détails, mais ce n'était jamais vraiment très clair."

De peur de perdre son emploi, Lisa n'a jamais contesté frontalement ces remarques. "Je ne sais pas si j'aurais pu faire quelque chose. Du coup, je me suis tue."

Licenciement contesté

Lisa dénonce un licenciement abusif. En engageant une procédure juridique, elle souhaite obtenir un meilleur certificat de travail: "Celui que l'on m'a donné n'est pas très bon. J'espère donc en obtenir un meilleur pour que je puisse trouver un nouveau travail."

Mais ce qu'elle espère surtout, c'est un changement dans les mentalités: "J'ai l'impression que l'on nous met, nous les mamans, dans de petites cases, en disant que maintenant que l'on a des enfants il faut s'occuper de la maison."

Elle ajoute: "Je comprends qu'il y ait des supérieurs qui ne sachent pas gérer cette nouvelle situation, ces nouveaux taux d'occupation, mais je trouve que cela devrait être mieux accompagné, par les ressources humaines par exemple. Etre maman ne veut pas dire que l'on n'a pas de motivation pour travailler."

>> Le débat dans Forum entre Lisa Mazzone et Marianne Favre Moreillon :

Les mères sont-elles assez protégées contre le licenciement? (vidéo)
Les mères sont-elles assez protégées contre le licenciement? (vidéo) / Forum / 12 min. / le 21 novembre 2021

*prénom d'emprunt

Mathieu Henderson et Marie Giovanola

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La durée de protection en question

Les syndicats dénoncent une protection trop faible des jeunes mamans en Suisse. "C'est quelque chose d'encore trop fréquent en Suisse", estime Aude Spang, secrétaire à l'égalité au syndicat Unia. "Dans le droit, l'employeur est interdit de discriminer une femme en raison de sa grossesse mais aussi après l'accouchement. Or, la réalité montre que la protection contre le licenciement en Suisse est extrêmement faible, soit 16 semaines après l'accouchement."

Le Conseil des Etats devait se prononcer ce jeudi sur une initiative cantonale tessinoise visant notamment à étendre ce délai à une année. L'objet n'a finalement pas été traité. Il devrait l'être plus tard dans cette session.

Le conseiller aux Etats PLR neuchâtelois Philippe Bauer s'oppose à ce texte: "Il existe aujourd'hui une protection qui va déjà un peu plus loin - certes pas beaucoup - que le congé maternité. Et on a une deuxième protection, à savoir le fait que les licenciements qui sont prononcés à l'issue de la période de protection sont généralement qualifiés de licenciements abusifs. Ils ne donnent certes pas droit à la poursuite des rapports de travail, mais au versement d'une indemnité qui vont jusqu'à six mois."