Au contraire de l’immense majorité des malades de cette époque, qui ne sont plus là pour en parler, ce sexagénaire se remémore son parcours. Bertrand Cuttat a été contaminé au début des années 1980. "En Suisse, je suis le patient qui présente la plus longue anamnèse, la plus longue histoire, avec ce virus. Patient encore vivant, on s’entend", glisse-t-il.
"A l’époque, pendant ma brève période de toxicomanie, c’était beaucoup plus difficile de trouver une seringue que de trouver le produit à mettre dedans. Ce qui veut dire qu’on était des fois 4, 5, ou 6 chez l’un, chez l’autre. Tout le monde avait du produit, il n'y avait qu'une seule seringue pour tout le monde. Tous ceux que j’ai connus à l’époque sont à 99,9% décédés actuellement", relate-t-il.
Un sac plein de dynamite
L’impression que Bertrand Cuttat a eue quand il a obtenu les résultats, c’était comme si on lui donnait "un sac à dos, plein de dynamite, avec un truc qui fait 'tic-tac' dedans. Et puis voilà, ce sac à dos, vous ne pourrez plus jamais l’enlever. Et puis, on ne sait pas quand ça va péter".
Pour lui, c’était alors l’angoisse générale. Sa compagne l’a quitté, "c'était une des premières conséquences". Et le cercle de ceux qu'il croyait être des amis s’est vite dispersé. "Il ne me restait qu’une peau de chagrin, mais ceux-là sont toujours là, encore aujourd’hui".
Cobayes pour les traitements
S'agissant des traitements, Bertrand Cuttat estime que "ce qu'ils cherchaient, c'étaient des cobaye pour essayer de nouveaux traitements, des traitements combinés".
Après une année, les personnes qui recevaient des placebos n’étaient plus là, celles qui recevaient des principes actifs, pour autant qu’ils fonctionnent, étaient encore là, détaille-t-il. "Je pense que j’ai eu le principe actif, et puis le virus, qui se multipliait à la vitesse grand 'V', hop, était en train de plonger. Ce qui ne s’était jamais vu auparavant". On lui a alors dit que cela fonctionnait, que les chiffres étaient là. Sur le moment, Bertrand Cuttat s'est dit: "Wouah, ça marche!".
Prévention dans les écoles
Son parcours a amené Bertrand Cuttat à faire ce qu'il n'avait jamais fait auparavant, révèle-t-il: la prévention dans les écoles, pour aller un peu parler de cette réalité. "Ca donnait aussi un sens à ce que je vivais. A l’époque où j’étais infecté, c’était une condamnation à mort. Aujourd’hui, ça reste une condamnation à perpétuité. C’est des traitements à vie, point, fini. C’est aussi simple que ça".
Il faut respecter de très près les prescriptions médicales, sans quoi on ne peut qu’emballer la machine, souligne le Jurassien. "Et là, on court à la catastrophe. Beaucoup de batailles ont été gagnées, mais la guerre est très loin d’être terminée. C’est ce qu’on oublie un peu aujourd’hui", conclut-il.
Les courbes des infections au VIH ne baissent d'ailleurs pas assez rapidement pour atteindre l'objectif d'une éradication de la maladie d'ici à 2030, a alerté lundi dans un rapport l'organisation de l'ONU chargée de la lutte contre le sida (ONUSIDA). Ce rapport rappelle avoir proposé l'an dernier de nouveaux objectifs pour 2025, notamment un accès à des options de prévention appropriées (préservatifs, médicaments...) pour 95% des personnes à risque et marginalisées.
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Sujet TV: Cédric Adrover
Adaptation web: Jean-Philippe Rutz
Sujet traité dans le 19h30 du 1er décembre 2021