Lundi par exemple, la justice vaudoise a décidé en appel d'abandonner une partie des charges contre les fameux joueurs de tennis du Credit Suisse. Et ce mardi à Lausanne, c'est l'un des procès dits "des 200" qui débute: dix activistes du climat comparaissent pour avoir notamment bloqué des rues et un pont.
Les activistes s'opposent systématiquement au verdict et déposent un recours, quitte à faire durer les procédures et à saturer le système judiciaire. Pour l'instant, cette stratégie juridique n'a entraîné aucune décision politique. Et c'est évidemment ce que les activistes demandent. Ils déplorent la récupération qui est faite par les milieux économiques, les beaux discours et le "greenwashing", mais ils ont le sentiment de crier dans le vide.
Intervention des scientifiques
C'est d'ailleurs ce qui a poussé un groupe de scientifiques à acheter une pleine page de publicité dans le quotidien 24 heures, il y a deux semaines, pour attirer davantage l'attention des autorités.
La plupart des militants sont dans un état de sidération et de colère face à l'inaction des politiques. Et cette colère et cette incompréhension viennent aussi nourrir leur créativité pour de futures actions.
Mais pour Raphaël Mahaim, avocat de certains prévenus et député vert au Grand Conseil vaudois, toutes ces actions sont utiles. "En tant que politiques, on voit que la démocratie se nourrit de ces débats, parfois vifs, avec des idées nouvelles et qui sont parfois exprimées en dehors des schémas traditionnels", a-t-il relevé mardi dans La Matinale.
Pour lui, la démocratie, c'est aussi cela: "elle vit de débats d'idées, de confrontations, de gestes provocateurs, de subversion aussi. En tant qu'élu, je vois l'importance qu'on secoue tout ce petit monde en dehors des institutions, qu'on vienne dire, par des messages forts, cassant les codes, que les choses ne vont pas, que le problème est grave et qu'on doit trouver des solutions urgemment".
Autre son de cloche à droite
Tout le monde ne partage pas le même point de vue que le Vert Raphaël Mahaim. Sans surprise, à droite, on est un peu plus nuancé. Les interlocuteurs, qui veulent rester anonymes, reconnaissent une certaine inertie dans les actions de l'Etat, mais ils estiment que le système fonctionne bien. Pour eux, ce genre d'actions extrêmes mettent tout le monde sous tension et enveniment les débats, car les solutions demandées sont radicales.
Cette stratégie jusqu'au-boutiste d'occupation des tribunaux, les militants l'ont voulue, mais ils la subissent aussi. "On sent bien que toute une série de milieux, notamment économiques et politiques, veulent faire taire ces activistes", note Blaise Genton, médecin et impliqué auprès d'Extinction Rebellion.
A ses yeux, c'est ce qui se passe aujourd'hui avec le procès des 200, "qui est une illustration de cette volonté de décourager ces personnes, voire de les casser. Et il est sûr que, vu la pression judiciaire, beaucoup d'activistes sont quand même anxieux pour leur futur, notamment professionnel".
Pas d'effets politiques
Les verdicts en justice sont en train d'être rendus. Mais font-ils avancer la cause climatique? Jusqu'à maintenant, tous les militants jugés ont été condamnés, en première ou en deuxième instance. Condamnés à des peines très légères, et ils s'opposent systématiquement aux jugements. Ils ont affiché leur volonté d'aller jusqu'à la Cour européenne des droits de l'Homme.
Leur objectif est de casser la jurisprudence suisse qui ne reconnaît pas "l'état de nécessité", soit la justification d'une action illégale en cas de "danger imminent". Affaire à suivre.
Une chose est certaine pour le politologue François Cherix, ces mouvements sont contre-productifs. D'après lui, les activistes ratent leur cible, car leurs actions ne produisent pas d'effets directs sur le climat. Pire, les citoyens peuvent finir par les trouver agaçants et se désolidariser de la cause. Ces mêmes citoyens qui se prononcent dans les urnes sur les questions climatiques.
Sujet radio: Malika Scialom
Adaptation web: Jean-Philippe Rutz