Le débat sur la naturalisation facilitée pour les étrangers de 2e génération relancé au Parlement
Il y a vingt ans, le gouvernement proposait une procédure spécifique pour les migrantes et migrants de deuxième génération. Il estimait à l'époque que ces jeunes qui grandissent en Suisse devaient bénéficier d'une procédure facilitée au niveau fédéral, sans devoir remplir les conditions communales et cantonales.
Mais en 2021, le climat politique a changé et le Conseil fédéral ne veut plus de ce changement constitutionnel. En réponse à une motion de la députée verte Lisa Mazzone, l'exécutif estime désormais qu'il ne faut rien changer. Et, dans tous les cas, ne pas déposséder les cantons et les communes de leur prérogatives en matière d'octroi du passeport à croix blanche.
Paysage politique "droitisé" sur cette question
Pourtant, la Suisse reste l'un des pays les plus restrictifs au monde en matière de naturalisation, rappelle le démographe Philippe Wanner lundi dans La Matinale. "La naturalisation en Suisse est relativement lourde pour les personnes candidates. Elles doivent passer des tests qui ne sont peut-être pas toujours adéquats, elles doivent attendre plusieurs années pour avoir le résultat, et il y a une sorte de découragement qui est un petit peu problématique dans une population qui compte 25% d'étrangers", estime-t-il.
Plusieurs explications peuvent être avancées pour expliquer cette évolution. D'une part, le nombre de naturalisations, tous types confondus, n'est plus tout à fait comparable, avec par exemple 5800 procédures abouties en 1990 contre quelque 35'000 l'an passé. Même si ces chiffres restent à relativiser, selon Philippe Wanner. "Depuis 1990, on a connu des flux migratoires relativement importants, notamment en provenance d'ex-Yougoslavie. Et ces populations arrivées au tournant du 21e siècle aujourd'hui se naturalisent. Mais si on regarde les taux, il n'y a pas forcément beaucoup de différence" entre 1990 et aujourd'hui, dit-il.
En outre, trois échecs consécutifs en votation populaire doivent être pris en compte. Enfin, la montée dans les années 1990 de l'UDC, très restrictive sur l'accès à la nationalité, a imprégné les partis de droite et du centre-droit de cette tendance. Ainsi, entre 1980 et 2001, les ministres PDC Furgler, Koller et Metzler obtenaient par trois fois de confortables majorités au Conseil fédéral et au Parlement. Aujourd'hui, un projet pourtant similaire risque de n'obtenir que quelques voix au-delà de la gauche.
Tests parfois stigmatisants
Mais quel que soit le sort de ces motions, la société civile s'organise autour de cette thématique. Un manifeste a été publié récemment, initialement en Suisse alémanique par l'association "Vierviertel" ("Quatre quart"), qui dénonce une "politique d'exclusion". Il demande une promotion active de la naturalisation et un droit au passeport dès quatre ans de résidence, afin que les quelque deux millions de personnes résidentes sans passeport suisse, soit environ 20% de la population, puisse accéder plus facilement à la nationalité.
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"L'une des questions-clé, c'est l'intégration", estime encore Philippe Wanner. Or, selon lui, cela n'a pas beaucoup de sens de mesurer l'intégration de jeunes qui sont nés et ont passé toute leur scolarité en Suisse. Il explique ainsi que certaines épreuves étaient trop sélectives. "Par exemple, les personnes qui ont eu des difficultés à l'école vont renoncer à demander la nationalité, parce qu'elles n'ont pas envie d'être stigmatisées en raison d'un test de langue", illustre-t-il.
Sujet radio: Stéphane Deleury
Texte web: Pierrik Jordan