Knut Schwander: "J'ai été sincèrement touché par la vitalité extraordinaire dans la restauration"
Dans son édition 2021, le Gault&Millau recense 390 adresses, dont 48 nouvelles. "Pour nous, c'est inédit. C'est le double que d'habitude", se réjouit Knut Schwander. Au contact d'un métier qui souffre, il dit avoir été "sincèrement touché de voir à quel point il y a une vitalité extraordinaire dans cette branche, malgré des difficultés claires" durant la période du Covid-19.
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Selon une enquête en ligne de GastroSuisse publiée mi-octobre, 80% des 2337 établissements ayant répondu avaient à nouveau enregistré une perte de chiffre d'affaires entre septembre et octobre 2021, principalement dans les zones rurales, suite à l'extension du certificat Covid en Suisse (voir encadré).
Mais en même temps, "on observe que les Suisses sont plus que jamais intéressés par le restaurant, sortent et dépensent", relève Knut Schwander. "Beaucoup de restaurateurs sont assez ravis de voir que les gens viennent, prennent des vins beaucoup plus chers que d'habitude ou des grands menus", souligne-t-il, évoquant "un report du budget loisirs et voyages" et "l'envie de se faire plaisir" dans une période difficile. Le ticket moyen dans les restaurants a ainsi augmenté de 20% à 30%.
Des tables pour tous types de bourses
Pour autant, Gault&Millau tient à ne pas se restreindre aux tables destinées aux plus riches. "On a toujours eu pour habitude de parler de toutes les catégories de restaurant, pour autant qu'il y ait la notion de qualité. En plus, maintenant on a un site internet qui nous permet d'explorer toute la palette gastronomique romande de manière plus approfondie", explique le critique de 58 ans.
Il cite notamment la rubrique "Gault&Millau Pop!" qui recense des petites adresses urbaines "sympa et qualitatives". "On ne va pas écrire un texte dans un guide et le revisiter chaque année, mais on va en parler parce qu'il y a un public, et qu'il y a des bourses et des circonstances qui ne permettent pas toujours de s'offrir un menu de six plats", dit-il.
Une subjectivité qui doit rester dans l'air du temps
Interrogé sur la dimension arbitraire à donner une note à ce qui s'apparente à un art, Knut Schwander assume l'aspect subjectif de son métier. "Il y a bien sûr des critères précis, comme les temps de cuisson, la pertinence des associations ou l'originalité", explique-t-il. "Mais la note dépend en grande partie d'éléments subjectifs, c'est inhérent à l'exercice, comme pour des critiques littéraires ou de cinéma."
"On vit actuellement une époque où des style très très différents se côtoient, ce qui rend un peu plus difficile notre travail. Parce qu'il faut savoir à quel moment une cuisine traditionnelle est merveilleusement traditionnelle ou totalement ringarde. Si une cuisine est exploratrice ou si ce sont des effets de manche inutiles. On a toutes sortes d'influences qui s'ajoutent, donc ça rend un peu plus compliqué d'être pertinent, mais il faut assumer une subjectivité", détaille-t-il, soulignant également que "c'est aussi le rôle d'un guide d'être dans l'air du temps et de savoir quelles sont les attentes de son public".
Propos recueillis par David Berger
Text web: Pierrik Jordan
"Bienveillant, mais jamais complaisant"
Interrogé sur le risque de "copinage" avec les chefs après vingt ans de carrière dans la critique gastronomique, Knut Schwander s'en défend. "Non, vraiment pas. Bien sûr, il y a des chefs que je finis par connaître. Mais il faut garder une certaine distance et une certaine discipline. Un guide se doit d'être bienveillant mais jamais complaisant. Et si j'avais un doute, j'enverrais quelqu'un d'autre. On est quand même une vingtaine en Suisse romande à tourner pour Gault&Millau", ajoute-t-il.
"On donne et on retire les points sans avertir les restaurateurs, c'est la règle du jeu", précise-t-il encore. "Parfois on m'engueule au téléphone, c'est tout à fait légitime, je ferais la même chose à leur place. Mais dans la majorité des cas, on arrive à rétablir le dialogue avec le restaurateur", explique le Biennois d'origine, qui tient à rappeler que perdre un point ou même sortir du guide n'est "pas une sanction". "Il y a des milliers de bons restaurants qui ne sont pas dans Gault&Millau!"
Le certificat Covid a frappé le secteur entre septembre et octobre
Les cafés et restaurants ont perdu plus d'un quart de leur chiffre d'affaires en moyenne depuis la mi-septembre, quand un certificat est devenu nécessaire pour consommer dans ces établissements, selon l'enquête de leur faîtière Gastrosuisse publiée mi-octobre. Quatre établissements sur cinq sont touchés par une telle baisse des recettes.
Les établissements publics des régions rurales sont les plus touchés (87% d'entre eux, contre 81% en moyenne suisse), avec des baisses de ventes moyennes de 31,5% (27,5% en moyenne suisse). Les restaurants proches des lacs (72,5% touchés pour une baisse de 24,5%) ou des villes (77%/25%) s'en sortent à peine mieux. A contrario, il s'est trouvé 3,4% des patrons de restaurants à avoir augmenté leur chiffre d'affaires, malgré l'obligation du certificat.
Selon Gastrosuisse, les entreprises sont très préoccupées par la baisse des températures, la vague d'annulations et l'épuisement des réserves. En outre, l'exigence du certificat oblige près de 86% des cafés-restaurants sondés à embaucher plus ou moins davantage de personnel pour réaliser les contrôles.
Au total, 2337 restaurateurs de tous les cantons ont répondu au questionnaire de leur faîtière entre le 6 et le 11 octobre.