Exfiltrées, les cyclistes afghanes roulent désormais librement sur les routes vaudoises
Pour avoir pratiqué ce sport en Afghanistan, ces cyclistes rescapées étaient menacées dans leur intégrité physique par le nouveau régime.
"Sortir, travailler et étudier ne sont pas des choses autorisées pour une femme. Imaginez seulement s'ils n'autorisent pas les femmes à s'instruire, comment pourraient-ils leur permettre de faire du vélo? Ce n'est pas acceptable pour les talibans", explique Faizi Benafsha, l'une des réfugiées, mercredi au 19h30.
Une opération d'exfiltration hors norme
Informé durant l'été de la menace qui pèse sur l'ensemble de l'équipe féminine afghane de cyclisme, le président de l'UCI David Lappartient entreprend alors de les sortir d'Afghanistan.
Au total, 125 personnes seront exfiltrées par le nord du pays: les cyclistes, leur famille, ainsi que des défenseurs des droits de l'homme, des journalistes et des artistes.
Chaque jour apportait son lot de surprises, de reculades et d'avancées, à tel point que j'étais tout le temps au téléphone
"Nous avons finalement envoyé un avion en Afghanistan et nous avons pu embarquer tout le monde dans l'appareil", se remémore David Lappartient. "Ce qui était compliqué, c'est qu'il n'y avait pas de contrôle aérien. Personne ne voulait assurer l'avion pour aller là-bas, compte tenu des risques encourus (...). Il fallait que tout le monde ait un passeport, ce qui n'était pas forcément le cas."
Et d'ajouter: "Chaque jour apportait son lot de surprises, de reculades et d'avancées, à tel point que j'étais tout le temps au téléphone. J'ai pris une semaine de vacances cette année et c'était une semaine au téléphone du matin au soir."
L'intervention de Philippe Leuba
Pour mener à bien son plan d'évasion, il prend contact avec le conseiller d'Etat en charge des sports du canton de Vaud, où est situé le Centre mondial du cyclisme. Philippe Leuba se transforme alors en diplomate.
Lorsque vous recevez un téléphone en catastrophe du président de l'UCI qui vous dit qu'il faut les sortir, sinon elles vont mourir, vous remuez ciel et terre
"Si j'avais réfléchi au départ, je pense que nous avions 99% de chance d'échouer, parce que c'est complètement hors norme ce que nous avons fait. Mais lorsque vous recevez un téléphone en catastrophe du président de l'UCI qui vous dit qu'il faut les sortir, sinon elles vont mourir, vous essayez d'assumer vos responsabilités, vous vous démenez comme un diplomate purement amateur, en remuant ciel et terre", détaille le conseiller d'Etat.
Pour débloquer la situation, le ministre vaudois va même jusqu'à passer une semaine à Tirana en Albanie, où les jeunes Afghanes sont en transit.
S'intégrer par le sport
Le samedi 9 octobre dernier, elles arrivent finalement en Suisse. Du Conseil fédéral au président de la FIFA en passant par l'aide d'un philanthrope passionné de cyclisme, tous les contacts possibles sont mis à contribution pour réussir ce sauvetage.
Depuis quelques jours, ces femmes ont intégré le Centre mondial du cyclisme à Aigle, dès l'obtention de leur statut de réfugié. C'est maintenant par le sport qu'elles imaginent leur intégration et un autre avenir en Suisse.
>> L'interview de Philippe Leuba, conseiller d'Etat vaudois:
Jean-Baptiste Guillet/ther