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De plus en plus de médecins attaqués en justice par les assurances maladie

De plus en plus de médecins attaqués en justice par les assurances maladie. [KEYSTONE - Christian Beutler]
Quand les assurances maladies attaquent les médecins en justice (vidéo) / La Matinale / 3 min. / le 17 décembre 2021
De plus en plus de médecins sont attaqués en justice par les assureurs maladie, alors qu'ils ne pensent qu'à soigner au mieux leurs patients. Le problème n'est pas lié à des surfacturations, mais à l'interprétation du système de tarification Tarmed.

Cet outil de tarification des prestations médicales, introduit en 2004, fixe une fourchette d'analyses pour telle ou telle maladie. Et les assurances maladie ont le droit - c'est même leur rôle - de surveiller ce processus, dans l'intérêt de maîtriser la hausse des coûts.

Mais depuis "4-5 ans", leur pression va crescendo. Elles exigent des justificatifs à tour de bras. On ne dispose pas de chiffres officiels, mais selon Michel Matter, vice-président de la Fédération des médecins suisses (FMH), de plus en plus de médecins n'en peuvent plus: "Nous avons des témoignages de médecins qui vivent cela très, très difficilement. Ils disent qu'ils en ont ras le bol et qu'ils n'ont jamais vécu cela dans leur vie professionnelle".

Climat malsain

Ils doivent se justifier alors que la pratique est bonne, déplore Michel Matter vendredi dans La Matinale. "Si un médecin franchit la ligne rouge parce qu'il surfacture, il doit rendre des comptes. Mais le médecin qui fait une pratique normale doit pouvoir juger lui-même des examens qu'il effectue pour les gens qu'il soigne".

Pour le vice-président de la FMH, c'est un climat qui est loin d'être sain, qui pointe du doigt les médecins. "Ils ont souvent de la peine à trouver le sommeil, car ils doivent aller chercher tous les justificatifs et toutes les factures et expliquer. Mais c'est au-delà de l'explication: c'est un jugement sur leur pratique".

Les médecins doivent rembourser

Si l'assurance n'est pas satisfaite des justificatifs, elle demande au médecin de rembourser. Les sommes peuvent atteindre des dizaines de milliers de francs, alors que ce ne sont pas des prestations que les médecins eux-mêmes ont encaissées, mais des laboratoires ou des services d'imageries. Les négociations sont souvent longues, compliquées, et si aucune entente n'est trouvé, c'est le tribunal qui est appelé à trancher.

De plus en plus de médecins, souvent des spécialistes avec des cas compliqués, où la science est encore en pleine évolution, s'adressent à Olivier Couchepin, qui est avocat à Martigny (VS), pour les défendre devant le juge.

"Ils sont fortement perturbés par des actions qui remettent en cause le fondement même de leur serment et de leur conviction qu'ils exercent leur travail avec toute la diligence nécessaire", relève l'avocat. "Les assureurs leur reprochent la manière dont ils pratiquent. C'est presque insupportable, parce qu'on remet en question la compétence même du médecin et la nécessité d'ordonner certains examens".

Aujourd'hui, l'avocat reçoit même des lettres de soutien de patients pour défendre leur médecin au tribunal.

Répercussions dans les cabinets

Cette pression des assureurs aurait des répercutions concrètes dans les cabinets. Selon Michel Matter, certains médecins n'osent plus pratiquer comme ils le souhaiteraient: "Certains commencent à avoir peur de faire des examens, craignant de coûter trop cher. Et cela concerne même des praticiens qui ne sont pas pointés du doigt par les assureurs. En entendant des histoires chez des collègues, des médecins pourraient même pratiquer une médecine 'défensive', c'est-à-dire une médecine qui fait de moins en moins de choses".

Les assureurs se défendent

Les assureurs réagissent à ces griefs en affirmant qu'ils ne font que remplir leur mission. "Je ne crois pas que nous mettons davantage la pression. Il s'agit de les rendre attentifs que chaque intervention de leur part génère des coûts, et peut-être de se poser la question de savoir si tel ou tel examen est à chaque fois impérativement nécessaire, ou si on ne pourrait pas choisir d'autres voies qui coûteraient moins cher", explique Christophe Kaempf, porte-parole de santésuisse.

Sujet radio: Sandra Zimmerli

Adaptation web: Jean-Philippe Rutz

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