Face au Covid, le personnel médical a l'impression qu'il n'en sortira jamais

La semaine dernière, 15 associations du personnel de santé ont lancé un cri d'alarme dans une lettre ouverte au monde politique. "Les soignants tombent malades, sont mis en quarantaine ou abandonnent leur profession. L'endurance des professionnels de la santé est mise à mal", disaient-ils.

La RTS a pris le pouls de la situation parmi les équipes de plusieurs établissements hospitaliers romands. Et le niveau des absences le confirme: le personnel médical ne va pas bien, fatigué par 21 mois de pandémie.

Quelque 15% d'absences en Valais

Le Centre Hospitalier du Valais Romand enregistre le plus fort taux d'absences, de 15% environ. Il est de 10% à Fribourg (en hausse de 2% par rapport à 2019) et dans le canton du Jura, qui vient tout juste de remettre en place ses cellules d'écoute psychologiques pour son personnel. Le Réseau hospitalier neuchâtelois, lui, a le taux d'absence le plus bas avec 6%.

Dans les grands hôpitaux, les HUG à Genève annoncent 10% d'absences et le CHUV en est à 7%, tout personnel médical confondu. Mais le chiffre grimpe à 10% pour l'absentéisme des infirmières du Centre hospitalier universitaire vaudois.

Ces calculs englobent les absences liées à la pandémie, mais aussi des accidents, les congés maternité ou les maladies hivernales classiques.

"On a le droit de dire qu'on en a marre"

Au sein du personnel, c'est désormais le ras-le-bol qui domine. Infirmière dans le canton de Neuchâtel, trois fois vaccinée, Florence vient de contracter le Covid pour la deuxième fois.

"On a aussi le droit de dire qu'on en a marre. J'en ai vraiment marre", a-t-elle témoigné lundi dans La Matinale de la RTS. "C'est surtout l'atmosphère, c'est lourd (…) Je plains surtout mes collègues aux soins. Eux, ils ne peuvent plus souffler".

Entre pénurie de personnel et abandon du métier, la profession est à flux tendu. "Je ne peux pas vous cacher que le personnel est fatigué", souligne Nicole Doser, médecin cheffe en médecine interne à l’hôpital de Morges.

"On est quand même dans la maîtrise, on s'adapte", précise-t-elle. "Tous les jours, on rediscute de comment créer de nouveaux lits, de nouvelles unités. Et ça, ça induit une grande fatigue".

Perpétuelle adaptation à la situation

Et à force, le personnel est devenu tout terrain en passant d'un service à un autre avec de nouveaux protocoles à appliquer. "Il y a de gros impacts sur les plannings, qui vont perturber à la fois la vie professionnelle et la vie familiale", explique Catherine Chenaud, responsable médicale du service de la santé du personnel aux HUG.

"On demande aussi de la mobilité aux collaborateurs, donc ils doivent aller travailler dans des services où on a besoin de ressources. A chaque fois, ça veut dire une adaptation rapide, la prise de nouveaux repères. Et tous ces changements, sur la durée, ça peut être très éprouvant. Il y a une lassitude certaine".

"Tu as l'impression que tu n'en sortiras jamais"

Et toutes les personnes interrogées ont confié à la RTS ne pas voir la porte de sortie de crise. A chaque nouvelle vague, chaque nouveau variant, "tu te dis que c'est reparti pour un tour, tu as l'impression que tu n'en sortiras jamais", déplore la Neuchâteloise Florence.

Et pour les signataires de la lettre ouverte envoyée jeudi dernier aux politiques, la surcharge de travail crée au final une "blessure morale".

>> Voir aussi les témoignages recueillis par le 19h30 :

Natacha Van Cutsem/oang