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"Si un jour il m'arrive un pépin, je sais que je peux appeler La ligne de cœur"

La Ligne de Cœur: le confessionnal romand
La Ligne de Cœur: le confessionnal romand
La période des Fêtes de fin d'année est souvent la plus difficile, la plus douloureuse pour les personnes seules ou qui vont mal. Elles savent toutefois qu'il existe un espace où elles peuvent partager leurs peines et leur fardeau avec des dizaines de milliers d'autres. Tous les soirs dès 22h, La ligne de cœur sur RTS La Première est ouverte aux appels.

Depuis presque une décennie, au cœur de la nuit, Jean-Marc Richard arrive à la "Maison de la radio" sur les hauteurs de Lausanne pour animer La ligne de cœur, l'émission qui depuis plus de trente ans recueille les confidences des Romandes et des Romands. "J'arrive toujours le premier dans le studio. (…) Je ne supporte pas les grands éclairages. J'éteins donc tout", explique en souriant Jean-Marc Richard, dimanche dans Mise au point.

Ainsi, dans l'intimité de la nuit... et du studio, l'animateur tisse des liens entre les vies cabossées, les soucis et les joies. Il écoute mille et une histoires. La vie. "Les gens me demandent s'il faut une préparation psychologique avant l'émission. Je réponds que 'non'. (…) A partir du moment où le générique commence et que le micro s'allume, je suis dans ma bulle, dans mon monde", poursuit Jean-Marc Richard.

"De le dire à la radio, ça fait du bien!"

A l'autre bout du fil, il y a parfois Chris. "Il y a des fois où c'est tellement lourd que je suis obligée de le dire, de le hurler, de l'écrire. Quand on est sobre, c'est vingt-quatre heures à la fois, une heure à la fois... De le dire à la radio, ça fait du bien!", témoigne-t-elle.

Et d'ajouter: "Si un jour il m'arrive un pépin - je peux rechuter, je peux être mal dans ma peau - je sais que je pourrai les appeler, même en direct, ils écouteront. Ils seront toujours là." Alcool, psychiatrie, différence, précarité ou encore travail, tous les sujets sont évoqués à La ligne de cœur.

Ils sont professeurs, chômeurs, médecins, étudiants, chauffeurs de taxi, et tant d'autres choses: chacun et chacune vient raconter ce qui lui tient à coeur avec la certitude de ne pas être jugé. Des habitués interviennent dans l'émission pour apporter un peu de réconfort aux autres, ou ils rappellent des gens après minuit à la demande de Jean-Marc Richard.

La solitude comme point commun

"Moi, ce qui me touche, c'est de me dire comment on peut amener une petite touche d'amitié. Des fois, on ne peut rien amener, on peut même pas amener de l'espoir. On ne peut pas donner des solutions à tout le monde, mais juste de la bienveillance, d'avoir été entendu. Il suffit de pas grand-chose pour que la personne se sente juste un tout petit peu mieux", raconte Francine.

Cette ancienne religieuse ne parle jamais de son vécu, mais elle fait partie des coulisses de La ligne de cœur. Qu'est-ce qui rassemble toutes les personnes qui écoutent cette émission? La solitude, selon Francine. "Les gens sont très seuls, dans les familles, dans les couples. Ils nous écoutent depuis les homes, les hôpitaux. (...) Un jour ou l'autre, ce qu'on porte va être soulevé par quelqu'un qui va avoir le courage de venir témoigner."

Si le micro et les lumières du studio s'éteignent à minuit, le travail n'est pas tout à fait fini. L'accompagnement se prolonge hors antenne. Jean-Marc Richard et Danièle Doh - qui gère le standard de La ligne de cœur depuis dix-neuf ans - ont mis sur pied une plateforme sociale avec des associations comme Caritas pour prendre en charge les situations les plus compliquées.

Les malentendus

Il n'est en effet pas question pour eux de lâcher des gens en détresse dans la nature. "On ne peut pas faire une Ligne de cœur qui commence à 22h et qui s'arrête à minuit! (...) On fait une émission de radio, mais ce n'est pas qu'une émission de radio", estime Jean-Marc Richard.

Pour désigner les milliers de personnes qui écoutent La ligne de cœur, ces auditeurs pour qui ces deux heures de radio sont un fil dans la nuit, Reto, un habitué de l'émission, a trouvé une jolie formule: "les malentendus".

Béatrice Guelpa/vajo

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