En Suisse, la publicité pour le tabac est autorisée à certaines conditions. Elle est interdite à la radio et à la télévision et lorsqu'elle s'adresse spécifiquement aux mineurs. La majorité des cantons ont édicté des règles plus strictes, notamment en ce qui concerne la publicité placée sur des affiches ou dans les cinémas.
Qu'en est-il de la situation en Suisse en comparaison internationale?
La Suisse fait partie des pays d'Europe où la cigarette est la moins réglementée. Dans le rapport 2019 du Tobacco Control Scale, la Suisse arrive en avant-dernière position et elle obtient le plus mauvais score au niveau des interdictions de publicité pour les cigarettes. De plus, elle est la seule à ne pas avoir ratifié la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte anti-tabac. La Suisse a bien signé ce traité en 2004, mais elle n’a pas pu concrétiser ses engagements en raison des réticences du Parlement à limiter la publicité.
Ce retard s'explique par la présence sur sol helvétique des principaux producteurs mondiaux de cigarettes: Philip Morris a son siège opérationnel à Lausanne ainsi que son centre mondial de recherche et développement à Neuchâtel, Japan Tobacco International a son siège social à Genève et British American Tobacco son siège suisse ainsi qu'une usine de production à Boncourt, dans le canton du Jura. Ces cigarettiers sont implantés dans le pays depuis de nombreuses années et exercent un lobbying important sur les élus et les élues.
Quel objectif pour l'initiative?
L'initiative a pour objectif d'interdire toute publicité pour le tabac là où des enfants ou des adolescents peuvent la voir, par exemple dans la presse, sur des affiches ou Internet, au cinéma, dans les kiosques ou lors de manifestations. Les mêmes règles s'appliqueraient à la cigarette électronique. La publicité qui ne cible que les adultes ou se trouve à des endroits inaccessibles aux mineurs resterait admise.
Un contre-projet indirect...
Le Conseil fédéral et le Parlement opposent à l'initiative la nouvelle loi sur les produits du tabac en tant que contre-projet indirect. Ces dispositions interdiraient la publicité pour les produits du tabac et la cigarette électronique sur les affiches et au cinéma. De même, elles interdiraient aux multinationales du tabac de distribuer des cigarettes gratuites et de parrainer des manifestations internationales en Suisse.
La nouvelle loi est le résultat de sept ans de discussions à Berne. Le gouvernement a proposé une première version en 2015 qui aurait permis de ratifier la convention-cadre de l'OMS, mais elle lui a été renvoyée par le Parlement qui refusait toute limitation de la promotion du tabac. Une nouvelle mouture édulcorée a été soumise en 2019 mais, cette fois-ci, ce sont les parlementaires eux-mêmes qui ont ajouté des restrictions de publicité afin de répondre partiellement à l'initiative populaire.
... mais pas suffisant pour la convention-cadre de l'OMS
Finalement, après des discussions houleuses et des votes serrés, les deux Chambres ont accouché d'un texte qui présente peu de nouveautés et ne répond pas aux exigences de la convention-cadre de l'OMS. La nouvelle loi interdit la publicité pour les produits du tabac sur tous les supports extérieurs (bâtiments publics, transports publics, places de sports ou affiches dans l'espace public) ou encore dans des spots promotionnels au cinéma. La publicité à la radio et à la télévision est déjà interdite par la Loi fédérale sur la radio et la télévision.
Concernant la protection de la jeunesse, le Parlement a décidé de reprendre la législation en vigueur et de bannir la publicité uniquement lorsqu'elle cible les personnes mineures. Cela signifie que la promotion du tabac est notamment interdite sur le matériel scolaire, les journaux et sites internet destinés aux personnes mineures, ainsi que dans les lieux fréquentés essentiellement par des jeunes. Le parrainage de manifestations nationales par des cigarettiers reste autorisé, sauf si celles-ci s'adressent principalement à des moins de 18 ans.
La loi sur les produits du tabac peut entrer en vigueur quel que soit le résultat de la votation sur l'initiative. Si celle-ci est acceptée, les autorités fédérales devront adapter la loi aux exigences plus resserrées demandées par l'initiative.
Qui soutient l'initiative?
Le texte a été lancé par de nombreuses organisations de promotion de la santé et de la jeunesse, notamment la Fédération des médecins suisses (FMH), la Ligue suisse contre le cancer, la Société suisse de pédiatrie et Addiction Suisse. Il est soutenu par le Parti socialiste, les Verts, les Verts'libéraux et le Parti évangélique.
Qui s'oppose à l'initiative?
La plupart des partis de droite et du centre, qui représentent la majorité du Parlement, ainsi que le gouvernement, sont opposés à l'initiative. Ils estiment que le texte va trop loin, car la publicité ne serait admise que dans les rares lieux ou supports inaccessibles aux jeunes.
Par ailleurs, le contre-projet renforce selon eux suffisamment la protection de la jeunesse en instaurant plusieurs restrictions à l'échelon fédéral, notamment en interdisant la vente de tabac aux personnes mineures dans tout le pays. Pour eux, cette harmonisation est déjà un grand pas en avant pour mieux protéger les jeunes du tabagisme.
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ebz avec Swissinfo