Les petits Romands doivent porter un masque de protection pendant les cours à partir de 8 ans environ, et même 6 pour les petits Bernois, Tessinois, ainsi que les enfants de certains autres cantons alémaniques.
Ces nouvelles mesures passent difficilement. Dimanche, des centaines de parents ont manifesté contre cette disposition à Tavannes, dans le Jura bernois, et 500 environ lundi soir à Berne. De nombreux enfants ont participé au défilé.
Le même jour, certains parents ont même refusé d'envoyer leurs enfants à l'école après les vacances (lire encadré), doutant de la pertinence de la mesure et dénonçant des effets psychologiques nocifs pour les petits.
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Inquiétude, colère et incompréhension
Secrétaire générale de l'association vaudoise des parents d'élèves, Christine Müller voit défiler des questions depuis plusieurs jours et confirme que c'est bien celle du port du masque qui suscite le plus de réactions. "Il y a de l'inquiétude, une certaine colère, et beaucoup d'incompréhension", a-t-elle confié mardi dans La Matinale de la RTS. "Ce n'est quand même pas anodin pour des enfants si petits. Les parents se demandent si c'est vraiment utile, ou pourquoi on impose ça aux enfants alors qu'ils sont peu à risque de faire des formes graves du Covid. Un certain ras-le-bol se fait entendre, de plus en plus."
Mardi à midi, les autorités vaudoises organisent aussi un Facebook live à destination des parents. Parmi les questions qui seront posées à la conseillère d'Etat vaudoise en charge de l'Instruction publique Cesla Amarelle figurera certainement celle des sanctions auxquelles on s'expose en boycottant l'école. Car en temps normal, qui n'envoie pas ses enfants à l'école sans justifier leurs absences risque l'amende.
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Dialoguer avec les familles réfractaires
Du côté de Neuchâtel, le chef du Service de l'enseignement obligatoire veut privilégier le dialogue avec les familles réfractaires. "Il faut rappeler aux parents qui seraient tentés de s'engager dans cette voie que l'école joue un rôle central au niveau de la socialisation. Les enfants ont besoin de pouvoir rencontrer des camarades, des adultes, des enseignants compétents. Et à chaque fois qu'il y a des absences, c'est un retard qu'on prend sur le programme scolaire", a insisté Jean-Claude Marguet mardi dans La Matinale, pointant du doigt le risque de décrochage scolaire.
"Cette discussion est un champ de bataille!", a convenu le spécialiste en psychologie des enfants et ancien président de l'Association suisse de psychologie de l'enfance et de l'adolescence Philipp Ramming, invité de La Matinale. Il dit comprendre parfaitement les parents qui menacent de ne plus envoyer leur progéniture à l'école. "Les enfants sont intimement liés aux parents, qui sont responsables d'eux. Certains ont le sentiment que l'Etat commence à vouloir éduquer tout le monde. Ils ont l'impression d'être mis à l'écart, de perdre leur compétence de chef de la famille", analyse le spécialiste.
Certains parents ont le sentiment que l'Etat commence à vouloir éduquer tout le monde. Ils ont l'impression d'être mis à l'écart, de perdre leur compétence de chef de la famille
Philipp Ramming compare cette attitude avec celle qui guide certaines familles vers l'achat d'un SUV. "On met les enfants dedans pour les amener à l'école. Le trafic est tellement dangereux, alors on prend une grande voiture… Il s'agit simplement de mesures de protection des enfants", tempère le psychologue. "Mais je ne sais pas si c'est vraiment la bonne mesure". Les parents en font-ils trop? "Trop, c'est toujours les autres qui le disent!"
Les enfants s'adaptent "assez facilement"
Dans le cas des mesures anti-Covid, le comportement des parents réfractaires n'est pas anodin, estime encore le psychologue. "Il complique l'adaptation des enfants à la nouvelle situation. Normalement, les enfants s'adaptent assez facilement. Mais si les parents craignent qu'il y ait des difficultés, les enfants reprennent cette idée, ces sentiments", met-il en garde. "Puisqu'il y a maintenant ces mesures, il faut aussi s'adapter à cette situation, soutenir l'adaptation des enfants plutôt que les utiliser pour une guerre."
Puisqu'il y a maintenant ces mesures, il faut aussi s'adapter à cette situation, soutenir l'adaptation des enfants plutôt que les utiliser pour une guerre
Quant au risque que les masques, notamment, puissent nuire au développement des enfants, Philipp Ramming pense qu'il pourra être combattu en étant attentif aux enfants qui montreraient de la difficulté. "Il y a des enfants avec lesquels ça ne marche pas vraiment bien, mais c'est une petite proportion. Il vaut mieux observer chaque enfant que présumer qu'il y aura des difficultés pour tous. S'il y en a, alors on peut aider un enfant précis, trouver des mesures plus spécifiques. Sinon, si on part avec des théories dans la tête, on fait des grandes choses, mais sans être sûr qu'elles soient utiles" pour les enfants qui ont réellement de la difficulté.
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Propos recueillis par Romaine Morard
Adaptation web: Vincent Cherpillod/ds
Peu d'absentéisme observé malgré les appels au boycott
Sur les réseaux sociaux, plusieurs collectifs de parents ont lancé des appels à boycotter la rentrée scolaire.
Mais dans le canton de Berne, comme ailleurs, les bancs d'école sont restés plutôt bien garnis lundi, selon un coup de sonde de la RTS. Et on se dit surpris en bien à l'école primaire de Tavannes, par exemple. "Sur 300 élèves, 293 étaient à l'école. On voit que la vague d'absentéisme n'a pas eu lieu", a constaté le chef de la section francophone de l'Office de l'école obligatoire du canton de Berne Stève Bläsi dans La Matinale.
La rentrée semble donc s'être bien passée en Suisse romande, même s'il est trop tôt pour avoir une vision d'ensemble du taux d'absence des élèves.