Faut-il se "booster"? De nombreuses personnes se posent la question, alors que la Suisse traverse la vague Omicron. De nouvelles données, publiées récemment par l'Office fédéral de la santé publique, viennent apporter des premiers éléments de réponse, qui restent à confirmer ces prochaines semaines.
Ces données permettent de comparer les hospitalisations selon le statut vaccinal des malades et précisent si le patient a reçu ou non une dose de rappel.
Premier constat: il y a toujours beaucoup plus de complications chez les non vaccinés. Sur la période allant du 27 décembre au 16 janvier, ce qui correspond à la montée d'Omicron, le taux d'hospitalisations chez les personnes totalement vaccinées s'avère, selon les classes d'âges, 4 à 20 fois inférieur à celui enregistré chez les non vaccinés.
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Peu de bénéfices du rappel chez les moins de 40 ans
La nouveauté, c'est de pouvoir comparer les hospitalisations des personnes ayant reçu le rappel à celles qui se sont contentées de deux doses. Là, deux éléments apparaissent: la différence est marquée chez les seniors, mais elle diminue voire tend à disparaître chez les plus jeunes.
Chez les plus de 80 ans, on compte par exemple quatre fois plus de patients parmi ceux qui n'ont pas reçu de rappel que parmi les personnes qui l'ont reçu. En revanche, les taux d'hospitalisations sont quasiment les mêmes chez les 20 à 39 ans. Avec ou sans troisième dose, les complications restent très rares chez les jeunes, comme le montre le graphique ci-dessous.
La nécessité de la 3e dose chez les jeunes divise
Ces chiffres font écho aux déclarations de l'infectiologue Alessandro Diana, mercredi dans La Matinale de La Première: "On peut se poser la question de l'utilité de la troisième dose chez les moins de 60 ans en bonne santé, parce qu'on remarque que même avec deux doses, ces personnes restent protégées contre les complications."
La question est renforcée par l'arrivée d'Omicron, puisque le virus circule fortement et infecte facilement de nombreux vaccinés.
"L'évolution de la pandémie et les données épidémiologiques suggèrent fortement que le bénéfice du rappel chez les plus jeunes est marginal", soutient Blaise Genton, médecin-chef à Unisanté. "Ces chiffres montrent qu'avec deux ou trois doses le risque d'hospitalisation est très faible chez les jeunes. En plus, avec Omicron, 50 à 60% des personnes hospitalisées le sont pour une autre raison, ce qui réduit le bénéfice."
La médecin cantonale genevoise Aglaé Tardin émet elle des réserves. Le flou autour du motif des hospitalisations et le fait que les données de l'OFSP restent incomplètes - le statut vaccinal n'est pas toujours connu - les rendent difficiles à interpréter. De plus, la troisième dose pourrait devenir nécessaire à l'avenir: "Les jeunes ont été vaccinés plus tardivement et ont donc, au moment de l'infection par Omicron, une immunité plus forte que les personnes âgées, ne nécessitant pour plusieurs d'entre eux pas encore de dose de rappel."
Son homologue neuchâtelois Claude-François Robert parle lui de "choix individuel": "On rend cette troisième dose accessible à tous, mais, à 20 ans, on ne peut pas dire qu'il y ait un intérêt individuel important. L'intérêt public au niveau des hôpitaux est aussi marginal. En revanche, à 80 ans, le rappel présente clairement un intérêt individuel et un intérêt public majeur."
Omicron change la donne
Selon certains spécialistes, la question du rappel chez les jeunes en bonne santé s'inscrit dans un nouveau contexte. Blaise Genton, d'Unisanté, souligne que Delta et Omicron sont des virus très différents. Le nouveau variant, moins virulent que ses prédécesseurs, change la donne.
Omicron se concentre sur les voies respiratoires supérieures mais descend moins dans les poumons, ce qui limite les complications, et donc les hospitalisations. Il se répand aussi dans une population déjà fortement immunisée, par la vaccination ou les infections, mieux armée pour y faire face. Cette immunité devrait encore se renforcer ces prochaines semaines.
"Avec ou sans troisième dose, les jeunes risquent fortement de rencontrer le virus dans les deux prochains mois et recevoir ainsi une sorte de rappel naturel. Dans cette population, une infection apporte une protection qui peut être assimilée à une dose de rappel", explique Blaise Genton, qui verrait d'un bon oeil certains assouplissements. Et d'ajouter: "Au début de l'épidémie, laisser faire l'infection naturelle aurait eu un coût en vies humaines très important, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui où plus de 90% des personnes vulnérables sont vaccinées."
Malgré ces nouveaux éléments, la position de la Confédération, établie en pleine vague Delta, n'a pas changé. Les autorités sanitaires continuent de recommander le rappel vaccinal à toutes les personnes de plus de 16 ans, dès quatre mois après leur deuxième dose, pour "réduire l'incidence". Depuis vendredi, elle le propose aussi aux plus de 12 ans. Il reste par ailleurs obligatoire pour bénéficier de la "2G+" sans se faire tester.
Valentin Tombez