"L'industrie du tabac cache une partie de la vérité et essaie régulièrement de se racheter une image. On est face à une industrie qui tue la moitié des consommateurs de ses produits. Certes, le tabac est légal - on doit l'accepter - mais il faut arrêter toute promotion de ce produit", argumente le professeur Jacques Cornuz, directeur d'Unisanté, mardi dans La Matinale.
Le Conseil fédéral et le Parlement opposent à l'initiative la nouvelle loi sur les produits du tabac en tant que contre-projet indirect. Ces dispositions interdiraient la publicité pour les produits du tabac et la cigarette électronique sur les affiches et au cinéma.
>> Lire aussi : Une interdiction totale de la publicité pour le tabac serait nuisible, selon ses opposants
De même, elles interdiraient aux multinationales du tabac de distribuer des cigarettes gratuites et de parrainer des manifestations internationales en Suisse. Le texte "ne va pas assez loin" et "n'est pas en conformité avec le but initial de l'initiative", estime Jacques Cornuz.
Mieux protéger les jeunes
"L'objectif est d'éviter que les enfants et les jeunes puissent être atteints par la publicité des produits du tabac dans les journaux gratuits, dans les kiosques, dans les festivals...", explique-t-il. "Il y a quelque temps, nous avons fait une étude qui montre que lors d'une soirée de week-end, un jeune peut avoir jusqu'à 70 incitations à fumer. En tant qu'adulte, on ne perçoit pas l'ampleur de ces solicitations."
Même si la consommation de tabac des 15-24 ans a diminué (de 37% à 31%) en Suisse au cours des quinze dernières années, il "faut augmenter la cadence pour avoir une protection de la jeunesse", souligne Jacques Cornuz.
Il se défend de vouloir interdire la cigarette: "C'est impossible. La cigarette est la 3e réussite de la mondialisation, après le pétrole et les boissons sucrées. Et on a un oligopole en Suisse. Il faut donc être pragmatique, intéressons-nous à la demande. Sur ce point, nous avons encore de la marge."
"Une question de politique publique"
Le directeur d'Unisanté balaie également l'idée d'une "dérive hygiéniste": "On ne veut pas interdire la cigarette ou tous les produits néfastes pour la santé, mais il faut les rendre moins attractifs. (...) Les charcutiers et les bouchers ne sont pas les nouveaux cigarettiers."
Les charcutiers et les bouchers ne sont pas les nouveaux cigarettiers
En Suisse, 6000 personnes travaillent directement dans le secteur du tabac. "(Les entreprises) ne fermeront pas boutique du jour au lendemain, assure Jacques Cornuz. "Entre 75% et 80% de la production des cigarettes en Suisse est exportée. Les marchés existent, malheureusement, encore à l'extérieur. Il y aurait peut-être une partie de ce corpus professionnel qui devra se réinventer. On sera là pour les accompagner."
Avant d'ajouter: "C'est une question de politique publique. (...) En Suisse, il y a désormais plus de femmes qui meurent du cancer des poumons que du cancer du sein, parce que la très grande majorité de ces femmes a commencé à fumer entre 14 et 20 ans."
Propos recueillis par David Berger/vajo