L'abolition du droit de timbre en difficulté, selon un sondage SSR. Suspense sur l'aide aux médias
L‘abolition du droit de timbre d'émission ne fait pas recette. Si le vote avait eu lieu le 23 janvier, ce projet aurait été refusé par 53% des Suissesses et des Suisses, montre la deuxième enquête d'opinion de l'institut gfs.bern, mandaté par la SSR. Le non s'est renforcé par rapport au premier sondage (+4 points), tandis que le oui a perdu trois points (de 42% à 39%). La part des indécis reste toutefois assez élevée (8%).
Le suspense demeure entier sur le train de mesures en faveur des médias, aucun des deux camps ne bénéficiant d'une majorité. Dans le courant de la campagne, les opposants ont cependant gagné un peu du terrain (+1 point à 49%) aux dépens des partisans de ce paquet d'aide, qui ont lâché deux points (de 48% à 46%).
Les résultats semblent plus clairs pour les deux initiatives soumises au peuple le 13 février. La limitation de la publicité pour le tabac cède du terrain mais continue de réunir une large majorité (63% de oui, -10 points). L'interdiction de l'expérimentation animale, en revanche, s'écroule dans l'opinion (26% de oui, -19 points). Plus de deux tiers de la population rejette le texte, contre 48% un mois plus tôt.
Droit de timbre: la gauche vers une victoire?
La gauche et les syndicats pourraient gagner leur pari contre l'abolition partielle du droit de timbre, qui implique un manque à gagner de 250 millions de francs dans les caisses fédérales. Logiquement, le rejet est particulièrement marqué chez les proches du PS (71% de non, +7 points) et des Verts (75% de non, +8), à l'origine du référendum. Pour le comité, ce projet est inutile, ne profite qu'aux très grandes entreprises et fragilise les services publics.
Ces arguments semblent convaincre au-delà de l'électorat traditionnel de la gauche. Une majorité des sans-partis est désormais opposée à cette réforme fiscale (50% de non, +2 points). Et l'opposition progresse nettement au sein des sympathisants du Centre (49% de non, +16), malgré la prise de position inverse des délégués du parti. A droite, les électeurs du PLR continuent de plébisciter ce projet (62% de oui, stable) et ceux de l'UDC y sont aussi majoritairement favorables (51%, +4).
Pas de Röstigraben
On ne constate aucun fossé linguistique sur cet objet, les trois grandes régions du pays rejetant l'abolition du droit de timbre d'émission. C'est au Tessin que l'opposition est la plus forte. Le rejet est aussi relativement net en Suisse romande. De ce côté-ci de la Sarine, c'est surtout le taux d'approbation qui s'est effondré: seuls un tiers des électeurs se disent aujourd'hui favorables au projet, contre 45% lors du premier sondage.
Chez les sondés les plus aisés, issus d'un ménage gagnant plus de 11'000 francs par mois, les rapports de force se sont inversés par rapport à la première enquête: une majorité d'entre eux dit non, tandis qu'une majorité disait oui un mois plus tôt. Dans presque toutes les autres catégories de revenu, l'opposition à la réforme dépasse les 50%. Seules les personnes disposant des revenus les plus bas approuvent la proposition.
Suspense sur l'aide aux médias
Le résultat des urnes risque d'être très serré en ce qui concerne le train de mesures en faveur des médias, qui prévoit une hausse des aides de 151 millions de francs par an par rapport au régime actuel. En termes d'intentions de vote, la campagne n'a pas vraiment apporté de clarifications, aucun camp ne recueillant une majorité. Les fronts se sont cristallisés, avec des écarts minimes entre les deux sondages.
On assiste à un affrontement entre une gauche nettement favorable au projet et une droite fermement opposée à ces aides. Les votes issus de l'électorat du centre (pour l'instant en faveur de la loi) et des indépendants (où le non est clairement majoritaire) seront décisifs pour déterminer l'issue du paquet d'aide aux médias.
Le oui s'effrite en Suisse romande
C'est la Suisse alémanique qui mène l'opposition. La Suisse romande et le Tessin, en revanche, restent majoritairement favorables à ces aides. La dynamique est toutefois différente entre les deux régions: le oui francophone a fondu au fil de la campagne (-9 points), tandis qu'il a crû chez les italophones (+12 points). Les grandes villes soutiennent le projet du bout des lèvres, tandis que les campagnes et les petites et moyennes agglomérations sont davantage sceptiques.
La question de la confiance dans le gouvernement semble déterminante dans l'opinion des sondés. Les personnes qui font preuve de méfiance envers le Conseil fédéral rejettent très nettement le projet, tandis que celles et ceux qui lui font confiance approuvent très largement les aides aux médias. A noter par ailleurs que le soutien aux mesures augmente avec le niveau d'éducation des personnes interrogées.
UDC et PLR ne veulent pas limiter la publicité pour le tabac
Si l'initiative "Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac" perd du soutien, elle obtient toujours la faveur d'une majorité des sondés (63%). Fait nouveau par rapport à décembre, les sympathisants du PLR et de l'UDC y sont désormais majoritairement opposés, à hauteur de 56% pour les libéraux-radicaux et 62% pour les démocrates du centre.
A l'inverse, tous les autres bords politiques se positionnent largement en faveur de l'objet. Le plus grand soutien provient du camp rose-vert et se situe autour des 90%. Plus modérés, les votants du Centre sont 58% à vouloir limiter la publicité pour le tabac.
Röstigraben sur le tabac
Au fur et à mesure de la campagne, un clivage s'est dessiné entre les régions linguistiques, au point où l'on peut presque parler de Röstigraben, même si aucune région ne rejette l'initiative. Le oui est en effet beaucoup plus net en Suisse romande (77%) qu'outre-Sarine (59%), alors qu'il se situe à 68% dans la Suisse italienne.
Sans parler fossé, on observe également un plus grand soutien dans les grandes agglomérations, où près de 70% de la population prévoit de voter oui, que dans les zones rurales (60%).
C'est surtout la volonté de protéger les mineurs contre la cigarette qui convainc. D'ailleurs, ce sont les 18-39 ans qui affichent le plus grand soutien à l'initiative, davantage que les tranches d'âges plus élevées.
Vers un large non à l'interdiction de l'expérimentation animale
Quant au refus de l'initiative "Oui à l'interdiction de l'expérimentation animale et humaine", il s'est encore renforcé dans ce second sondage. Avec près de 70% de non, ce texte qui veut bannir totalement les expériences sur les êtres vivants en Suisse semble peu susceptible de passer la rampe le 13 février.
La perte de soutien est particulièrement spectaculaire chez les sympathisants des Verts, des Vert'libéraux et du PS. Alors qu'ils étaient tous majoritairement en faveur du texte il y a un mois, la tendance s'est totalement inversée dans ces trois camps, avec un non qui atteint même 77% chez les Vert'libéraux.
Relevons également une différence notable entre les hommes et les femmes. Les sondés masculins sont environ 20% à soutenir l'objet, tandis que plus d'un tiers de leurs homologues féminins entendent glisser un oui dans les urnes.
Les adversaires au texte pointent deux arguments principaux: d'une part, la réglementation en vigueur en Suisse, qui permet de réduire l'expérimentation animale au strict minimum, ainsi que la crainte de voir les chercheurs et chercheuses partir à l'étranger en cas de oui.
Mathieu Henderson et Didier Kottelat
Méthode
Deuxième session de l'enquête Trend SRG-SSR sur les votations du 13 février 2022, réalisée par l'Institut de recherche gfs.bern entre le 19 et le 26 janvier 2022 auprès de 7660 titulaires du droit de vote. La plage d'erreur statistique est de +/- 2,8 points de pourcentage.
Intention de participation
La volonté jusqu'à présent mesurée de participer au scrutin du 13 février 2022 se situe, avec 50%, au-dessus de la moyenne de ces dernières années (46% entre 2011 et 2020).