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Le président de l'EPFL s'inquiète de la "fuite" des chercheurs suisses

Pétition paneuropéenne pour la collaboration scientifique: interview de Martin Vetterli (vidéo)
Pétition paneuropéenne pour la collaboration scientifique: interview de Martin Vetterli (vidéo) / La Matinale / 8 min. / le 2 février 2022
Ecartés du programme de recherche Horizon Europe, les scientifiques suisses veulent reprendre à tout prix cette précieuse collaboration. "On voit déjà une fuite des cerveaux", alerte Martin Vetterli, président de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

Alors que la politique piétine sur le dossier européen, les premières difficultés se font sentir pour la recherche scientifique en Suisse. Le pays a perdu son statut de membre à part entière au programme de recherche Horizon Europe en 2021, après que le Conseil fédéral a enterré l'accord-cadre avec l'UE.

>> Lire également : Horizon Europe: "Nous vivons les premiers revers", alerte la recherche

Les chercheurs se trouvent désormais confrontés à un dilemme: renoncer aux prestigieuses bourses européennes ou quitter la Suisse pour les obtenir.

"Des start-up issues de l'EPFL ont déjà commencé à ouvrir des bureaux en France pour avoir accès au financement européen", indique Martin Vetterli mercredi dans La Matinale.

Plusieurs pays font leur marché en Suisse

Le président de l'EPFL explique également qu'un chercheur espagnol basé aux Etats-Unis a annulé sa venue à Lausanne en raison de la perte du financement européen.

Le programme Horizon est doté de 100 milliards d'euros pour la période allant de 2021 à 2027. Les bourses ERC, délivrées par le Conseil européen de la recherche, atteignent 1,5 million d'euros en moyenne. Vingt-huit de ces bourses ont été accordées à des scientifiques en Suisse cette année, les dernières. Si les chercheurs les acceptent, ils doivent désormais quitter le pays.

Plusieurs pays européens font donc de l'appel du pied aux chercheurs suisses pour les débaucher. "Les Suédois ont par exemple offert aux chercheurs qui ont une de ces bourses de les rejoindre. La bonne nouvelle, c'est que les chercheurs de l'EPFL concernés ont tous décidé de rester", salue Martin Vetterli.

>> Voir aussi le reportage du 19h30 sur l'industrie des Medtechs qui s'adapte aux nouvelles contraintes administratives de l'Union européenne :

L’industrie des Medtechs s’adapte aux nouvelles contraintes administratives de l’Union européenne
L’industrie des Medtechs s’adapte aux nouvelles contraintes administratives de l’Union européenne / 19h30 / 2 min. / le 4 février 2022

Initiative paneuropéenne

Face à l'urgence de la situation, les chercheurs suisses, en partenariat avec leurs homologues britanniques, vont lancer une initiative paneuropéenne le 8 février prochain pour réintégrer le programme Horizon Europe.

"Le but est de faire entendre la voix des scientifiques pour dépolitiser le débat sur l'accès à la recherche européenne. Nous avons réuni un maximum de personnalités pour transmettre ce message. Il faut se concentrer sur la science et laisser la politique de côté. L'Europe a besoin d'une recherche forte, la Suisse et le Royaume-Uni devraient en faire partie", assure Martin Vetterli.

Celui-ci regrette de ne pas voir une vraie volonté politique en Suisse pour réintégrer le programme européen. "La science n'est pas un marché, c'est un service public. On l'a vu pendant la crise du Covid: la science est au service du public et n'est pas tributaire de ce jeu politique qu'on voit actuellement en Europe."

Un drapeau suisse et un drapeau de l'Europe. [Keystone - Michael Buholzer]Keystone - Michael Buholzer
Accord cadre: les effets concrets sur les bourses des chercheurs / Forum / 2 min. / le 1 février 2022

>> Les précisions dans Forum:

Propos recueillis par Valérie Hauert

Adaptation web: Guillaume Martinez

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Bruxelles ne veut pas de "saucissonnage"

Didier Reynders, le commissaire européen à la Justice, estime de son côté que la participation de la Suisse au programme Horizon est bel et bien une question politique.

"A partir du moment où on parle de financement par l'Union européenne, c'est un dossier politique entre institutions publiques. C'est la Confédération elle-même qui a décidé d'arrêter les négociations sur l'accord-cadre et donc de mettre en péril un certain nombre de secteurs", déclare-t-il mercredi dans La Matinale.

>> Plus de détails : Didier Reynders: "La Suisse a arrêté elle-même les négociations avec l'UE"

Le Belge précise par ailleurs que la question de la recherche scientifique ne doit pas être traitée séparément dans le cadre d'un accord entre la Suisse et Bruxelles. "Nous voulons éviter d'avoir un saucissonnage. Il ne faut pas vouloir négocier point par point chacun des éléments. Nous souhaitons une relation forte avec la Suisse, mais il faut accepter de le faire dans une relation adulte, où on crée un cadre général avant d'entrer dans chacune des politiques."

Didier Reynders refuse donc de travailler "à la carte". Il indique toutefois qu'il y a "toujours des possibilités de travailler ensemble" pour les programmes de recherche ou d'échanges. "Ce qui est bloqué, pour le moment, c'est le financement par l'Union européenne."

>> L'interview de Didier Reynders dans La Matinale :

L'invité de La Matinale (vidéo) - Didier Reynders
L'invité de La Matinale (vidéo) - Didier Reynders / La Matinale / 12 min. / le 2 février 2022