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Le problème de la pollution aux dioxines s'étend à plusieurs communes romandes

La pollution des terres aux dioxines, découverte l’an dernier à Lausanne, pourrait être plus importante encore
La pollution des terres aux dioxines, découverte l’an dernier à Lausanne, pourrait être plus importante encore / 19h30 / 1 min. / le 8 février 2022
La ville de Lausanne n'est pas la seule à être concernée par la pollution aux dioxines. Des tests menés conjointement par les émissions de la RTS A bon entendeur et On en parle révèlent des taux de contamination problématiques dans des aliments issus de plusieurs jardins de Suisse romande.

Opérés dans dix-neuf jardins de Suisse romande, des prélèvements d’œufs et de courges ont mis au jour cinq échantillons problématiques. Réalisés à proximité d'usines d'incinération encore en activité ou désaffectées, ces tests ont montré que le poison n'est pas seulement présent dans la terre, mais peut également se retrouver dans la nourriture.

Dans le canton de Vaud, tout d'abord, les niveaux les plus inquiétants de dioxines ont été observés dans la région de Lausanne. Mais contre toute attente, le seuil maximal est largement dépassé dans un jardin d’Epalinges qui ne figure pourtant pas dans la zone des recommandations sanitaires établie par le canton.

Une situation qui n'a pas manqué d'inquiéter les habitants de la parcelle concernée. "Je suis un peu inquiète pour notre santé et surtout la santé de nos filles de 13 et 9 ans. La petite a mangé des œufs de nos poules toute sa vie", témoigne Laura Gosoniu.

>> Voir la carte des zones concernées par la dioxine à Lausanne : A Lausanne, 26 parcelles supplémentaires identifiées comme polluées à la dioxine. [RTS]
A Lausanne, 26 parcelles supplémentaires identifiées comme polluées à la dioxine. [RTS]

Une nouvelle étude attendue

Contacté par la RTS, le directeur général de l'environnement du canton de Vaud Cornelis Neet déconseille "en l'état actuel des connaissances" de consommer les oeufs pondus dans le jardin problématique d'Epalinges. Avant d'annoncer qu'une nouvelle étude va être "lancée conjointement avec les services vétérinaires et de la santé concernés pour approfondir cette question et mieux comprendre le cas particulier des poules et des œufs".

Cette étude s’ajoutera aux cinq campagnes d’analyses lancées l’an dernier par le canton. "Notre préoccupation pour le moment est avant tout d’ordre sanitaire, tous les efforts ont été concentrés là-dessus", poursuit-il, l’impact de cette pollution sur la santé n’étant pas encore clairement déterminé.

Pour rappel, la pollution des sols lausannois a été découverte l'an dernier par hasard dans le sillage d’un projet immobilier. Jusque-là, le canton ne contrôlait pas la présence de dioxines dans ses sols, contrairement aux cantons de Genève, de Fribourg, du Valais ou du Jura.

>> Lire aussi : La pollution aux dioxines touche une bonne partie de la Ville de Lausanne

Analyses en cours à Neuchâtel

Les tests menés par A bon entendeur et On en parle ont en outre montré que le problème s'étendait à d'autres cantons romands. Des valeurs inquiétantes de dioxines ont ainsi été identifiées à Milvignes, dans le canton de Neuchâtel. Ce dernier fait aussi partie des cantons n’ayant pas monitoré la concentration de dioxines dans les sols avant l’affaire lausannoise. Des analyses y ont toutefois été lancées récemment et devraient livrer leurs résultats dans les semaines à venir.

En ville de Fribourg, un échantillon d'oeuf contenant des valeurs élevées de dioxines a également été analysé. Toutefois, d’après les services du chimiste cantonal, les produits concernés restent consommables à condition de ne pas dépasser la dose d’un œuf par jour et par adulte, et ne pas être exposés à d’autres sources de dioxines.

Des bilans médicaux proposés aux riverains

Selon David Vernez, chef du département Santé Travail et Environnement à Unisanté, les effets de ces substances sont chroniques, similaires à ceux de résidus de pesticides : perturbation endocrinienne – baisse de la qualité du sperme chez les hommes par exemple – et risques de cancer. "Nous avons affaire à une famille de polluants vaste. Les dioxines et furanes PCB comptent plus de 400 molécules. Chacune de ces molécules possède une toxicité différente. Il est donc très difficile d'interpréter cela", précise-t-il lors de l’émission On en parle. "Il est impossible de donner une appréciation de risques individuelle, car nos connaissances sont statistiques. Quand le législateur fixe des normes, il le fait en fonction des effets connus les plus sensibles." À noter que ces normes prennent en compte les effets sur la santé des enfants, plus sensibles aux effets néfastes des dioxines et furanes car leur corps est encore en développement.

>>À écouter: l'enquête sur les dioxines d'On en parle, où des spécialistes répondent aux questions des riverain.e.s

Des courges et des oeufs. [Depositphotos - spaxiax et AGorohov]Depositphotos - spaxiax et AGorohov
Sols pollués à la dioxine en Suisse romande: quelles conséquences pour la santé des riverain.e.s? / On en parle / 25 min. / le 9 février 2022

Le scientifique affirme cependant que la consommation régulière de produits contenant une quantité de dioxines et furanes supérieure au seuil fixé augmente les chances de subir leurs effets néfastes sur la santé. Pour cette raison, ils ne devraient pas être consommés du tout. La Direction générale de l'environnement du canton de Vaud et Unisanté ont d’ailleurs proposé un bilan médical aux propriétaires de poulaillers de la région lausannoise situés dans les zones contaminées.

Une responsabilité difficile à attribuer

Qui est responsable et qui doit payer les assainissements? "C’est une question épineuse. Des discussions sont en cours avec l’Office fédéral de l’environnement pour déterminer à qui il revient de porter cette responsabilité" répond Denis Rychner, conseiller en communication à la direction générale de l'environnement du canton de Vaud, lors de l’émission On en parle.

>> Revoir aussi l'émission d'A bon entendeur qui présente les résultats des tests sur la contamination aux dioxines dans certaines communes :

De la dioxine dans les jardins de Suisse romande
De la dioxine dans les jardins de Suisse romande / A bon entendeur / 14 min. / le 8 février 2022

Linda Bourget/fgn

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La question des coûts en suspens

Alors que les travaux pour déterminer l’étendue du problème sont loin d’être terminés, la question des coûts d’assainissement des parcelles contaminées se pose déjà.

Le Conseil fédéral s’est prononcé sur le sujet la semaine dernière, en réponse à une intervention de la conseillère aux Etats Adèle Thorens (Verts/VD). "Les mesures d'assainissement doivent être financées par les exploitants des usines d'incinération s'il est bien prouvé que ces dernières sont la source de la pollution", écrit le gouvernement.

Destiné à financer l’assainissement des sites pollués, le fonds OTAS qui est alimenté par une taxe sur la mise en décharge "ne peut financer les mesures à 40% des coûts imputables qu'en cas de défaillance, c'est-à-dire d'insolvabilité des exploitants", précise encore le Conseil fédéral.