"Route migratoire", le terme est désormais officiellement employé par la France. Vienne, Buchs (SG), Bâle, Mulhouse et Paris forment un axe emprunté désormais par des centaines de jeunes hommes, des Afghans pour la plupart, avec l'espoir de rejoindre le Royaume-Uni.
D'une trentaine par mois, les arrivées illégales sont passées à une trentaine par jour, avec comme point chaud la petite ville de Buchs (SG), à la frontière austro-suisse, et plus précisément la gare, où arrivent les trains de nuit en provenance d'Autriche (lire encadré).
Des voyages organisés
La Police aux frontières française, les douanes suisses et le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM), ainsi que la police autrichienne, se sont réunis le 27 janvier dernier. Cette rencontre avait pour but d'identifier les modes opératoires qui encadrent l'arrivée de ces migrants.
"Il existe des indices qui laissent à penser que ces voyages de migrants sont organisés", avait déclaré Anne Césard, porte-parole du SEM, mercredi dans La Matinale pour expliquer cet afflux soudain de personnes à la frontière suisse. Billet de train, itinéraire: une véritable filière s'est mise en place.
Désormais, les trois pays agissent de concert pour tenter d'assécher ce flux. "Les Etats font tout pour rendre cette migration irrégulière peu attractive. Cela se traduit par des patrouilles communes aux frontières, une augmentation des contrôles dans les trains, et par une meilleure coordination au niveau opérationnel, tel qu'un échange transparent d'informations pour pouvoir agir rapidement au niveau local", avait précisé Anne Césard.
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Une action "cohérente"
Interrogé vendredi dans La Matinale, l'ambassadeur de France en Suisse, Frédéric Journès, détaille l'accord: "Le système de coopération qu'on a mis en place est bon. Chacun explique aux autres ce que lui-même fait et on a ainsi une action cohérente et continue dans la durée, sur tout le périple. Cela fonctionne assez bien."
Selon le diplomate, en agissant de la sorte, cela permet de repérer les flux migratoires et d'"installer le message que cette route est contrôlée". Autres objectif: comprendre comment fonctionne le réseau de passeurs et pouvoir le démanteler progressivement.
De son côté, l'Union européenne est en train de plancher sur une refonte de toute sa politique migratoire. La Suisse participe également aux discussions.
Camille Degott/Joëlle Cachin
Adaptation web: Jérémie Favre
En gare de Buchs (SG), une routine discrète s'est installée à l'arrivée des migrants
La situation est devenue un immense défi pour le canton de Saint-Gall. Depuis le mois de juillet, les arrivées en provenance d'Autriche se multiplient. Ces migrants, originaires surtout d'Afghanistan, arrivent avec les trains de nuit et sont ensuite systématiquement arrêtés en gare de Buchs.
Un peu avant 7h00, le convoi s'arrête sur la toute dernière voie, loin des pendulaires. Une dizaine d'agents des douanes montent dans le train et fouillent chaque wagon-lit à la lampe de poche, avant de faire descendre un à un les migrants.
De passage
Beaucoup ont l'air mineurs et voyagent avec très peu d'affaires, un sac plastique tout au plus. Alors que dans le train, le personnel s'active pour servir les plateaux déjeuner aux voyageurs réveillés par la patrouille, les jeunes Afghans prennent calmement la direction du centre d'enregistrement du canton.
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Ils sont ensuite identifiés par la police, puis interrogés sur leur parcours. Plusieurs d'entre-eux ont déjà dû déposer une demande d'asile en Autriche, ou ailleurs. Selon les accords de Dublin, ils devront être renvoyés vers ces pays.
Dans les faits, cela ne se passe pas toujours comme prévu. "A la fin du processus, les migrants sont emmenés dans un hébergement d'urgence. Le but serait qu'ils y restent jusqu'à ce qu'il soit décidé vers quel pays ils doivent être renvoyés. Mais, en réalité, la plupart d'entre eux disparaissent dans la nature et d'après ce qu'on en sait, ils poursuivent leur voyage en direction de la France", explique Florian Schneider, porte-parole de la Police cantonale saint-galloise.
Les autorités suisses ne sont pas autorisées à garder ces personnes en détention, ce qui permet une migration secondaire. Finalement, ces migrants ne font que passer.
Situation intenable pour St-Gall
Cette collaboration ne semble toutefois pas empêcher ces personnes de traverser la Suisse. Au final, cela constitue une charge importante pour le canton de Saint-Gall. Pour traiter toutes les arrivées, les autorités ont ouvert un centre provisoire d'enregistrement, qui coûte entre 3 et 4 millions de francs pour une demi-année. A cela s'ajoute la forte sollicitation des effectifs de la police cantonale.
Interrogé par la RTS, le ministre cantonal en charge de la sécurité Fredy Fässler (PS) estime que la situation n'est pas tenable à long terme. Il n'exclut pas de demander un soutien financier à la Confédération, si cette situation devait perdurer.