Les douaniers et policiers helvétiques ont saisi des quantités considérables de stupéfiants ces derniers mois, notamment 47 kilos de khat à l'aéroport de Zurich la semaine passée. Avec la reprise du trafic aérien, la drogue reprend elle aussi l'avion.
A l'aéroport de Zurich, les saisies de drogue avaient beaucoup diminué pendant la pandémie: seulement une tonne en 2020, contre une moyenne de quatre tonnes avant la crise sanitaire. Mais si les sachets de cocaïne et autres substances n'ont pas voyagé par les airs, ils ont continué à franchir les frontières.
Pour Pierre Esseiva, professeur à l'école des sciences criminelles de l'Université de Lausanne, le secteur de la drogue s'est rapidement adapté à la situation, en utilisant d'autres routes, en particulier les routes maritimes.
Une réalité confirmée par David Weinberger, codirecteur de l'observatoire des criminalités internationales. Ce dernier rapporte que des saisies de plus en plus élevées ont été enregistrées ces derniers mois dans les ports d'Anvers, de Rotterdam ou encore d'Hambourg. Lundi, les douanes françaises ont de leur côté rapporté une augmentation de 632% entre 2020 et 2021 des saisies de cocaïne dans le nord du pays.
Pas d'altération de la qualité de la drogue
Avec la crise sanitaire, les spécialistes craignaient surtout que la drogue soit davantage coupée avec des substances nocives, afin de répondre à la demande. Mais plusieurs études ont montré que la qualité des substances consommées en Suisse n'avait que peu voire pas diminué pendant cette période.
Invité de La Matinale mardi, Frank Zebel, directeur-adjoint d'Addiction Suisse, confirme cette stabilité: "On a fait des analyses après la mise en place du semi-confinement et nous n'avons pas vu de changement. Au contraire, les drogues sont très pures par rapport à il y a quelques années", explique-t-il.
Pour les experts, cette capacité d'adaptation est directement liée à la concurrence entre les différents narcotrafiquants. Si l'un d'entre eux perd sa route d'approvisionnement, cette dernière est rapidement récupérée par un autre. La pandémie a donc révélé la résilience du marché des stupéfiants.
Pas d'augmentation de la consommation
Une question lancinante au cours de cette pandémie était également de savoir si elle pousserait à une surconsommation. En Suisse, l'impact aura été moindre, comme l'explique Frank Zebel: "La grande surprise, c'est qu'à peu près tout est resté la même chose. Ce qui a peut-être diminué, c'est la consommation festive, la consommation sociale, car les gens étaient moins ensemble, ils sortaient moins. Mais la consommation régulière, celle qui fait l'essentiel du marché, a continué et peut-être parfois légèrement augmenté, quand des gens étaient tout seul à la maison en télétravail", précise-t-il.
Et d'ajouter, concernant la résilience du secteur: "L'analyse des eaux usées des villes suisses nous montre qu'elles restent parmi celles où l'on consomme le plus de cocaïne par habitant en Europe (...) Sur le canton de Vaud, on saisit peut-être 5% ou 10% des substances qui circulent et donc l'essentiel arrive au consommateur."
Pour Frank Zebel, la pandémie n'a pas pu avoir de véritable impact sur la consommation car l'aérien, s'il fait partie du trafic, n'est pas la voie principale pour la drogue, qui arrive d'abord essentiellement par voie maritime dans les ports européens, puis par camion, voiture ou train en Suisse.
Sujets radio: Camille Lanci et Valérie Hauert
Adaptation web: Tristan Hertig