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Le Conseil des Etats, de la chambre de compromis à celle de blocage?

Le Conseil des Etats, de la chambre de compromis à celle de blocage?
Le Conseil des Etats, de la chambre de compromis à celle de blocage? / L'actu en vidéo / 2 min. / le 28 février 2022
Retraites, environnement, fiscalité: la Suisse rêve de grandes réformes. Pourtant, à la mi-législature, la Berne fédérale ne brille pas par sa capacité à trouver des compromis. Certains parlent même de blocage, surtout au Conseil des Etats.

Le Conseil des Etats est réputé pour être la chambre des compromis. Lors de la dernière législature, c'est notamment lui qui a mis la main à la version finale de la réforme de la prévoyance vieillesse (PV 2020). Ce dossier majeur, liant l'AVS et le deuxième pilier, avait finalement été rejeté de justesse par le peuple en septembre 2017.

C'est aussi la Chambre des cantons qui, sur les cendres de cette réforme et de celles de la troisième réforme de la fiscalité des entreprises (RIEIII), a imaginé le grand projet RFFA, accepté par deux tiers des Suissesses et des Suisses en mai 2019.

Recherche de compromis plus laborieuse

Mais durant cette législature, la recherche de solutions qui conviennent à gauche comme à droite est plus laborieuse. C'est en tout cas ce que constate la conseillère aux Etats verte Lisa Mazzone, qui siégeait au Conseil national jusqu'en 2019. "Le Conseil des Etats était connu pour chercher des compromis, pour chercher à construire des ponts avec l'autre côté. On ne le vit plus aujourd'hui", déplore-t-elle.

Et Lisa Mazzone de prendre l'exemple de la réforme AVS 21, votée par le Parlement en décembre dernier et combattue par référendum par la gauche. "Lors de la dernière législature, le Conseil des Etats a oeuvré à un compromis très équilibré. Aujourd'hui, dès le départ, il a refusé d'entrer en matière sur de véritables compensations (à l'augmentation de l'âge de la retraite des femmes)", affirme la Genevoise.

Une Chambre "libérale" et "fédéraliste"

Le sénateur libéral-radical Philippe Bauer, lui aussi transfuge récent du Conseil national, ne voit pas les choses de la même manière. Pour le Neuchâtelois, la Chambre haute n'est pas une chambre de blocage. Il s'agit plutôt, selon lui, d'une question d'équilibre entre les institutions. "Au Conseil des Etats, la majorité de droite existe encore. C'est une chambre libérale et une chambre fédéraliste", se félicite Philippe Bauer.

Ce constat est partagé par Rahel Freiburghaus, politologue à l'Université de Berne: "On voit qu’on a une opposition entre un Conseil national souvent à majorité de centre-gauche et un Conseil des Etats plutôt ancré à droite, dans le camp bourgeois. Voilà de quoi augmenter les possibilités de conflits", relève la chercheuse.

Repli ou rééquilibrage?

A la suite des dernières élections fédérales, "le Conseil national est devenu plus progressiste" sur de nombreux sujets, note Lisa Mazzone. Face à cette évolution, le traditionnel conservatisme de la Chambre des cantons s'est mué en "repli", regrette l'écologiste. Lors de la précédente législature, c'était plutôt l'inverse: les sénateurs avaient tendance à calmer les velléités d'une Chambre du peuple clairement marquée à droite.

Autrement dit, le rapport de force entre les deux Chambres s’est inversé depuis les élections de 2019, à la faveur, notamment, du glissement à droite des élus du Centre. Philippe Bauer s'en réjouit: "Le Conseil national, aujourd'hui, fait preuve d'une imagination débordante qu'il n'avait peut-être pas durant la législature passée. Comme on le dit souvent, au Conseil national on fait de la politique tandis qu'au Conseil des Etats, on fait des lois."

Rouven Gueissaz et Didier Kottelat

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