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Le Conseil fédéral écarte définitivement l'accord-cadre et veut des discussions par secteurs

Le Conseil fédéral annonce qu'il veut relancer les relations avec l'Europe, au point mort depuis l'abandon de l'accord-cadre
Le Conseil fédéral annonce qu'il veut relancer les relations avec l'Europe, au point mort depuis l'abandon de l'accord-cadre / 19h30 / 2 min. / le 25 février 2022
La relation de la Suisse avec l'Union européenne a fait l'objet d'une séance spéciale du Conseil fédéral cette semaine. Vendredi, il a rendu ses conclusions lors d'une conférence de presse. Le gouvernement refuse définitivement tout accord-cadre et privilégie une approche au cas par cas.

Le Conseil fédéral a adopté "les grandes lignes d'un paquet de négociation" avec l'Union européenne, indique un communiqué publié vendredi. Pas question de relancer le projet d'accord-cadre abandonné l'an dernier, qui devait régir tous les accords bilatéraux.

Cette nouvelle "voie est non seulement dans l'intérêt de la Suisse mais aussi de l'UE", a affirmé le président de la Confédération Ignazio Cassis devant la presse. "On est dans un nouveau chapitre de l'histoire de la Suisse", a-t-il dit. "C'est un nouveau départ".

>> Voir l'interview d'Ignazio Cassis dans Forum :

Le Conseil fédéral relance ses négociations avec l’Union Européenne 9 mois après l’abandon de l’accord-cadre: interview d’Ignazio Cassis
Le Conseil fédéral relance ses négociations avec l’Union Européenne 9 mois après l’abandon de l’accord-cadre: interview d’Ignazio Cassis / Forum / 6 min. / le 25 février 2022

Une approche sectorielle

Le gouvernement rejette l'approche horizontale prônée par Bruxelles et entend au contraire suivre une approche verticale. Les questions institutionnelles entre la Suisse et l'UE devront donc être réglées de manière sectorielle.

Il y avait trop de points de frictions entre Berne et Bruxelles pour conclure un grand traité qui comprendrait la reprise des réglementations de l'Union. En particulier sur la libre circulation des personnes, les aides d'Etat ou encore la protection des salaires.

Pour contourner ce problème, le Conseil fédéral propose donc désormais d'intégrer des éléments institutionnels dans certains accords bilatéraux. Une voie qui était déjà dans l'air depuis quelque temps, et prônée notamment par le PLR.

De nouveaux accords intégrés?

Ces éléments institutionnels doivent être ancrés dans les divers accords sur le marché intérieur, explique le collège. Il s'agit notamment de la reprise dynamique des droits, du règlement des différends ou encore des exceptions et clauses de sauvegarde.

De nouveaux accords sur le marché intérieur, notamment sur l'électricité et la sécurité alimentaire, ou des partenariats dans les domaines de la recherche, la santé et l'éducation pourraient également être intégrés dans le paquet.

Désormais, il s'agira pour le Conseil fédéral de convaincre l'UE. Il souhaite lancer des discussions exploratoires avec l'UE sur cette base. À cette fin, il se dit prêt à pérenniser la contribution de la Suisse à travers le fameux milliard de cohésion pour les pays de l'est. L'Union européenne a toujours considéré que cette contribution devait être régulière, mais la Suisse ne l'a jusqu'à présent jamais entendu de cette oreille. C'est donc un pas vers Bruxelles que propose le gouvernement, mais pas sûr qu'il ne soit suffisant.

Exigences de Bruxelles

La Suisse a mis fin, en mai 2021, aux négociations sur l'accord institutionnel avec Bruxelles, tout en insistant sur l'importance de la coopération bilatérale. L'annonce a déclenché l'ire du principal partenaire de Berne, qui a refusé d'actualiser les accords existants et suspendu tous les nouveaux accords en cours.

Les conséquences concrètes pour la Suisse n'ont pas tardé. La reconnaissance mutuelle pour le matériel médical n'a par exemple pas été poursuivie. La Suisse n'est plus pleinement associée au programme de recherche Horizon Europe et est exclue d'Erasmus Plus. Et l'accord pour le secteur de l'électricité est bloqué.

Fin novembre, le commissaire européen en charge des relations avec la Suisse, Maros Sefcovic, a exigé de Berne une feuille de route concrète d'ici janvier 2022. Le texte doit résoudre les questions les plus importantes pour l'UE, comme la reprise dynamique de l'acquis communautaire, le règlement des différends, l'aide publique et la contribution à la cohésion.

Reste à savoir si la nouvelle copie de Berne sera au goût de Bruxelles. Les négociations vont pouvoir reprendre, mais elles s'annoncent d'ores et déjà compliquées.

ats/jop avec ms

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Réactions politiques satisfaites mais nuancées

La volonté du Conseil fédéral de poursuivre la voie bilatérale a été saluée vendredi après-midi par la classe politique suisse, à gauche comme à droite. Le Parti socialiste met cependant des bémols. Il salue "les prémices" d'un plan visant à débloquer les relations avec l'UE, mais regrette notamment que le gouvernement avance "trop lentement et de manière trop unilatérale".

"Nous sommes satisfaits que le Conseil fédéral se réveille et aborde enfin la question européenne de manière offensive", a déclaré le conseiller aux Etats Carlo Sommaruga (PS/GE), cité dans un communiqué du parti. Le parti juge toutefois que l'idée de trouver une clarification institutionnelle pour chacun des accords d'accès au marché est irréaliste. Selon lui, la priorité doit être d'assurer cette année encore la participation de la Suisse aux programmes de coopération de l'UE.

Le PLR fustige la gauche

Le PLR salue la volonté du gouvernement de lancer un important paquet de négociations. Il est que l'approche sectorielle choisie par le Conseil fédéral est "la plus prometteuse" pour régler les questions institutionnelles. Des clauses de sauvegarde devront toutefois être prévues pour les domaines vitaux, lors de la reprise dynamique du droit. Le PLR "s'engagera de manière constructive dans ce processus", écrit le parti dans un communiqué.

Il faut maintenant créer les conditions tant sur le plan interne qu'externe pour trouver une solution susceptible de réunir une majorité, note encore le parti, qui juge crucial le renforcement de la contribution à l'agence européenne de garde-frontières et de gardes-côtes (Frontex), attaqué en référendum par la gauche. Selon le parti bourgeois, cela "met en danger l'ensemble des accords bilatéraux".

Le peuple se prononcera le 15 mai sur une augmentation des contributions financières de la Suisse à Frontex. Les fonds devraient passer de 24 millions de francs en 2021 à 61 millions en 2027.

>> Lire : Le comité "No Frontex" dénonce les agissements de l'agence de l'UE

Dix-sept positions de négociation

Le Département fédéral de justice et police (DFJP) a analysé les accords bilatéraux concernant la libre circulation des personnes, les transports terrestres et aériens, les produits agricoles, les aides d'État, la culture et les services de médias audiovisuels, ainsi que la reconnaissance mutuelle en matière d'évaluation de conformité avec l'UE.

Dans certains cas, la Suisse peut éliminer de manière autonome les différences. Un simple changement de pratique ou une modification de directives peut suffire. "Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de compensation de l'UE, mais juste que c'est possible de le faire", a précisé la ministre en charge Karin Keller-Sutter. D'autres cas nécessiteront un dialogue avec l'UE.

Le DFJP a identifié 17 positions de négociations. Certaines seront étudiées directement par les départements. D'autres seront analysées par l'ancien secrétaire d'Etat, Mario Gattiker, avec les cantons et les partenaires sociaux.