Craintes pour l'emploi, pour le tourisme et pour l’avenir des régions de montagne: au soir de ce 11 mars 2012, les mines étaient défaites en Valais. Le canton est celui qui a le plus fortement rejeté l'initiative Weber. C'est dans le district d'Entremont que le non a été le plus marqué: près de 85% .
Les résidences secondaires ne doivent désormais plus dépasser 20% des logements d'une commune. Dans cette région, où se trouvent notamment les stations de Verbier ou de Champex, la grande majorité des communes dépasse ce seuil. Lorsque le résultat est tombé, "j’étais dans les cordes, vraiment KO", se souvient Michel Cretton, patron d’une menuiserie d’une vingtaine d’employés à Orsières.
Il y a quelques mois, le Conseil fédéral tirait un premier bilan positif de la Lex Weber. Une vision contestée par certains acteurs. Aujourd’hui, le sujet continue de faire parler dans la Berne fédérale. Certains élus souhaitent assouplir les critères en matière de démolition et reconstruction ou encore restreindre les possibilités de recours des organisations environnementales.
Absorber le choc
En Entremont, Michel Cretton a lui dû s’adapter: "Le choc, je l’ai absorbé, par contre je l’ai toujours en travers de la gorge. Avant, on avait un an, voire un an et demi de travail devant nous. Aujourd’hui, on travaille à vue".
Son entreprise s’est diversifiée. Elle a cherché de nouveaux marchés pour vendre ses chalets, notamment aux Etats-Unis. Et puis la proximité de Verbier a bien aidé: "Au niveau de la construction, c’est beaucoup plus compliqué dans des petites stations comme Champex ou La Fouly. Il n’y a pas la demande de Verbier en matière de rénovation. Si on devait travailler uniquement sur ces petites stations, on serait entre 5 et 8 dans l’entreprise."
Également député-suppléant PLR au Grand Conseil, Michel Cretton n’a pas changé d’avis. S’il fallait revoter aujourd’hui, il dirait à nouveau non: "Qu’est-ce que ça aurait changé si l’initiative n’était pas passée? Les communes avaient déjà reçu l’ordre de revoir leurs plans d’aménagement. Lex Weber ou pas Lex Weber, le processus était déjà en marche."
Manque d’apprentis
Dans le petit hameau de Soulalex, juste au-dessus d’Orsières, Urbain Gaillard, autre professionnel du bois, s’active sur un chantier. Unique employé de son entreprise, il fait partie de ceux qui étaient favorables à l’initiative Weber: "Pour moi, c’était une nécessité de mettre un holà". Un positionnement naturel pour cet élu communal d’Entremont Autrement, à gauche de l’échiquier politique, mais qui détonne dans le monde du bâtiment: "Certaines personnes ne comprenaient pas comment on pouvait être patron et favorable à l’initiative."
Dix ans après ce vote, il estime que la catastrophe redoutée n’a pas eu lieu. "J’imaginais aussi que quelques emplois allaient disparaître, mais aujourd’hui, il n’y a pas un Orserain avec CFC ou manœuvre qui est sur le carreau." Les chiffres du Bureau des Métiers valaisan confirment cette tendance. Dans la filière du bois, c’est même un manque d’apprentis qui se fait sentir.
Pour Urbain Gaillard, le bilan de la Lex Weber est positif. "Le seul bémol, c’est que le prix de l’immobilier est légèrement monté. Mais à choisir entre ça et le fait que ma vallée est préservée, je préfère la seconde possibilité."
Plus de demande, moins d’offre
Dans la vitrine de l’agence immobilière Guinnard à Verbier, les annonces se font plus rares. "Il n’y a plus grand-chose à vendre, mais c’est plutôt lié au Covid, qui a augmenté l’attrait pour la montagne", explique Daniel Guinnard, courtier indépendant. "Si vous raréfiez une offre et que la demande reste soutenue, les prix augmentent. Le Genevois qui avait voté oui à la Lex Weber paie plus cher aujourd’hui, c’est une conséquence."
Lui-même était contre ce texte. Selon lui, la compétence devrait revenir aux communes. "Elles savent ce qui est bien pour elles. On a de belles stations, la preuve, c’est que les citadins veulent y venir. Mais ce n’est pas à eux de nous dire comment faire pour développer nos régions."
Nouveaux résidents
Indirectement, l’initiative Weber semble avoir encouragé la domiciliation. Ce constat est fait par Daniel Guinnard, mais aussi par un autre acteur bien connu dans la station: Marcus Bratter, actif dans l’hôtellerie-restauration. "Beaucoup plus de gens vivent ici à l’année. J’ai vécu une époque où il était difficile d’acheter du pain à Verbier durant l’entre-saison. Ce n’est plus le cas aujourd’hui."
Lui-même était favorable à l’initiative Weber, mais ne le disait pas trop à haute voix à l’époque: "En tant qu’hôtelier, en ayant vu partir beaucoup d’hôtels au profit d’appartements, je comprenais la vision de Monsieur Weber". Aujourd’hui, il observe que le concept de résidence touristique se développe, mêlant résidence secondaire et prestations hôtelières. "Le challenge, c’est de trouver des financements, car actuellement les banques suisses ne sont pas trop partantes pour financer ce type de résidences."
Coraline Pauchard, Guillaume Rey