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Les condamnations en cas d'insultes ou de menaces visant les élus restent rares

Le ministre de l'Intérieur Alain Berset. [Keystone - Peter Schneider]
La pandémie a provoqué des comportements inhabituels envers les élus en Suisse / La Matinale / 3 min. / le 2 mars 2022
Avec la pandémie, les insultes et menaces visant les élus fédéraux et cantonaux se sont multipliées. Au niveau fédéral en 2020 et 2021, Fedpol a enregistré une avalanche de signalements dans ce domaine. Mais pour l’heure les condamnations restent rares, comme le montre une enquête de la RTS.

Il est difficile d'obtenir des informations sur ce genre d'affaires. Le Ministère public de la Confédération ne communique en effet aucun chiffre sur les procédures en cours.

On sait qu'un homme qui avait insulté et tenté de menacer le conseiller fédéral Alain Berset durant la pandémie a été récemment condamné à une amende de 1200 francs. Et comme l'a appris la RTS, une instruction est en cours concernant un élu fédéral, cette fois, qui a été insulté et menacé l’an dernier lors de la campagne très vive sur les initiatives agricoles.

>> Lire : 1200 francs d'amende pour des insultes et menaces envoyées à Alain Berset

Une affaire de compétence fédérale et cantonale

L’enquête conduite par un ministère public cantonal a permis d’identifier neuf prévenus. Deux ont été déférés devant la justice fédérale et quatre ont déjà été condamnés pour injures dans les cantons de Vaud, Fribourg et Neuchâtel.

Les personnes concernées ont dû s'acquitter d'une dizaine de jours-amende avec sursis et d'amendes oscillant entre 300 et 500 francs.

Mis à part ce dossier et les plaintes du conseiller d'Etat valaisan Mathias Reynard et de son homologue genevois Mauro Poggia, il n’y aurait pas d’autres procédures en cours devant les ministères publics romands.

Nombreux signalements

Ces quelques affaires ne sont rien en comparaison des très nombreux signalements dans le domaine. La police fédérale en a en effet enregistré 1200 l’année dernière. Ces signalements concernent des élus fédéraux ou des membres de l’administration fédérale qui annoncent avoir été victimes de violences ou de menaces, le plus souvent sur les réseaux sociaux.

Les polices cantonales romandes, de leur côté, ne tiennent pas une telle statistique. La police vaudoise indique tout au plus que les entretiens préventifs avec les auteurs de telles infractions, nonobstant le statut de leurs victimes, ont augmenté l’année dernière.

Mais pourquoi, pour l'heure, aussi peu de condamnations ont lieu? Tout d'abord parce que de telles infractions ne se poursuivent pas nécessairement d’office, comme l'explique Fabien Gasser, procureur général du canton de Fribourg.

"Souvent on est face à des atteintes à l'honneur. Et les atteintes à l'honneur, voire les menaces, ne se poursuivent que sur plainte. Donc un signalement, c'est une chose, mais sans plainte pénale, le Ministère public ne peut pas se saisir et ouvrir une instruction."

En revanche, pour les menaces et les violences contre les autorités, là il y a poursuite d’office. Mais un autre écueil apparaît alors.

"Là où la zone est peut-être un peu plus grise, c'est que ces menaces ou violences doivent avoir un effet concret sur l'activité de la personne, l'activité de l'autorité. Si la menace est proférée et que l'autorité ne change absolument rien à sa façon de travailler, on ne va pas forcément poursuivre, car il n'y a pas forcément d'infraction", indique-t-il.

Jurisprudence pas forcément du côté des politiciens

Enfin, dernier point, selon certains observateurs, la jurisprudence dans ce domaine n’est pas forcément du côté des politiciennes et des politiciens. Selon la justice, ils doivent avoir le cuir épais, plus spécifiquement face aux injures. "Très honnêtement, je pense que ce n'est pas l'effet que doit rechercher un politicien ou une politicienne de solliciter la menace ou l'insulte", nuance Fabien Gasser. "En tous les cas, si on a des réactions et qu'on a des personnalités publiques qui se plaignent, on poursuit, on instruit et régulièrement on condamne."

Si pour le procureur général fribourgeois les peines sont suffisamment dissuasives, le Parlement ne l'entend pas de cette oreille. Il vient de serrer la vis. Il a décidé de réduire la marge de manoeuvre des juges. La peine privative de liberté devient la norme en matière de violences et de menaces contre les autorités. Les peines pécuniaires, elles, seront limitées au cas les moins graves.

Marc Menichini/fgn

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