Depuis 2011, la Suisse participe à l'organisation de gardes-frontières Frontex, qui contrôle les frontières extérieures de l'Union européenne (UE). Cette contribution s'élevait à 24 millions de francs en 2021.
Mais à la fin 2019, l'UE a augmenté son financement et le personnel à disposition, et la Suisse est sommée de prendre sa part. Sa contribution passerait donc à 61 millions en 2027, et elle mettrait à disposition jusqu'à 40 postes à plein temps, contre un peu plus de 6 actuellement.
Un référendum a été lancé pour dénoncer la part de responsabilité de Frontex dans la misère qui règne aux frontières extérieures de l'Europe. Il est sur le point d'être validé par la Chancellerie fédérale, et devrait donc passer en votations le 15 mai prochain. Or, si le peuple accepte le référendum, la coopération de la Suisse avec les États Schengen et Dublin prendra fin automatiquement, à moins que la Commission européenne et les 27 États membres ne décident à l'unanimité, dans un délai de 90 jours, de poursuivre la coopération avec la Suisse.
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Logistique aux frontières facilitée par Frontex
La fin de cette coopération aurait de graves conséquences pour la sécurité de la Suisse, qui bénéficie de Frontex dans sa lutte contre la criminalité, le terrorisme et le marché noir, estime le ministre des Finances Ueli Maurer. La police et la douane n'auraient plus accès aux systèmes de recherche et d'informations de Schengen (SIS), devenus indispensables, selon le conseiller fédéral.
Dans le domaine migratoire, la Suisse devrait par exemple réexaminer les demandes d'asile qui ont déjà été rejetées par un pays européen. Il semble assez clair que cela provoquerait "un appel d'air" auprès des migrants, estime la ministre de la Justice Karin Keller-Sutter. Et Frontex facilite également la logistique en matière de renvois des migrants. La Suisse en profite.
Karin Keller-Sutter a aussi dépeint un inévitable retour des contrôles aux frontières et des restrictions pour se déplacer. "Schengen, c'est la liberté de voyager. Il faudrait faire la queue aux frontières, comme il y a 20 ans." Le trafic frontalier serait impacté, tandis que le tourisme devra aussi s'attendre à des pertes. Les voyageurs en provenance d'Asie, notamment, devraient à nouveau demander un visa pour se rendre en Suisse.
>> Retour sur les propos de Karin Keller-Sutter début février : "En cas de non à Frontex, nous devrons quitter l'espace Schengen"
Le Conseil fédéral craint encore que les relations déjà tendues entre la Suisse et l'UE ne le deviennent encore plus. La recherche de solutions sur les différents points en suspens ne s'en verrait pas facilitée. "S'il y a une coopération avec l'Europe qui marche, c'est bien celle-là. Il ne faut pas la détruire", a encore plaidé la cheffe du DFJP.
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La Suisse peut agir de l'intérieur
Selon Ueli Maurer, Frontex a fait "la Une des médias à plusieurs reprises pour des supposées violations des droits humains", par exemple lors d'opérations contre des migrants le long de la route des Balkans.
Ces problèmes sont inacceptables et Frontex en a conscience, affirme Ueli Maurer, qui indique que la Suisse "porte ce thème au conseil d'administration de Frontex". Le renforcement de l'organisation prévoit d'ailleurs précisément quarante observateurs pour superviser les activités sur le terrain afin de pouvoir prendre des mesures immédiates en cas de violations.
Très souvent, les images dérangeantes ne concernent pas des agents de Frontex mais des membres d'autres organisations de certains pays, ont encore assuré les deux conseillers fédéraux. Si la Suisse sort de Frontex, l'organisation continuera d'exister. Autant y participer pour l'améliorer, justifie le Conseil fédéral.
ats/jop