Les Suisses aident massivement l'Ukraine, mais pas toujours efficacement

L’animateur de la RTS Jean-Marc Richard et Célia Francillon, porte-parole de la Croix-Rouge suisse, partagent leurs conseils dans l’émission "On en Parle" sur la Première.

Depuis une semaine, plus d’un million d’Ukrainiens ont fui leur pays suite à son invasion par les forces militaires russes et très vite, beaucoup de personnes en Suisse ont voulu apporter leur aide. La diaspora ukrainienne, mais aussi de nombreux Suisses ont répondu à l’appel des missions diplomatiques à Genève et à Berne, qui ont récolté de grandes quantités de matériel.

Sur les réseaux sociaux, de nombreux appels à l’aide depuis l’Ukraine ont été relayés. Par exemple, la page Facebook "Switzerland with Ukraine", comptabilisant plus de 4000 membres, tente de coordonner et d’organiser l’aide proposée par les bénévoles. Des réfugiés postent leurs besoins directement sur la page, et les internautes suisses leur proposent immédiatement leur aide dans divers domaines comme des renseignements sur les opérateurs de téléphonie mobile, les transports pour arriver en Suisse, l’hébergement, la récolte de matériel ou encore le transport d’animaux domestiques jusqu'en Suisse.

Aider oui, mais pas n’importe comment

Un élan de solidarité qui a ses limites. L’histoire montre que mal organisée ou mal ciblée, l’aide peut se révéler inutile. Le tsunami en Asie du Sud Est en 2004 et le tremblement de terre en Haïti en 2010 en sont de tristes exemples.

En Europe, la guerre dans les Balkans et le bombardement de la Serbie par l’OTAN avaient poussé plus d’un million de réfugiés sur les routes. En 1999, Jean-Marc Richard était sur place pour la Chaîne du bonheur. Il recommandait déjà aux auditeurs et auditrices de la RTS de faire preuve de prudence en s’appuyant sur les organismes locaux: "Amener du matériel sur place est compliqué et cher du point de vue de la logistique. On ne peut plus improviser, c’est-à-dire arriver sur place avec du matériel au petit bonheur de la chance. Ce type d'aide privée n’est efficace que si elle est organisée par une famille qui a des contacts sur place, des personnes aidant par exemple un village dans lequel elles ont grandi, ou une communauté bien structurée comme une ambassade."

Si l’on souhaite agir pour aider les Ukrainiens, mieux vaut organiser une récolte de fonds. Les ONG sur place sont actuellement encore en train d’évaluer les besoins matériels de la population.

Un avis partagé par Célia Francillon, porte-parole de la Croix-Rouge suisse. "Le plus facile et le plus utile, c'est de faire un don d’argent envers des organisations professionnelles, expérimentées, et qui ont des contacts sur place. La certification Zewo est également un bon moyen de s’assurer que les dons ne soient pas perdus dans des coûts structurels, et donc utilisés pour aider les personnes qui en ont besoin", explique-t-elle à la RTS.

"Les initiatives privées envoyant des convois de marchandises, de vêtements et de nourriture en Ukraine risquent de ne pas correspondre aux besoins et à la réalité du terrain", poursuit Célia Francillon. "Une fois sur place, la marchandise s’accumule et il faut alors trier et nettoyer les produits, ce qui prend beaucoup de temps et donc n’est pas forcément très utile, à moins d’avoir des contacts et une bonne organisation sur place."

>>À regarder: le sujet de Forum "Comment s'y retrouver face aux dons pour l'Ukraine?"

Favoriser les circuits courts

Est-il judicieux d’envoyer des médicaments? "Il y a évidemment un besoin de médicaments sur place, mais cela dépend des endroits. La Croix-Rouge suisse n’envoie pas de médicaments, car notre principe est de travailler sur place, avec nos partenaires comme la Croix-Rouge ukrainienne et le CICR. En nous approvisionnant en marchandises et en matériel locaux, nous favorisons des circuits courts pour faire fonctionner l’économie sur place."

L’ONG Terre des Hommes, située à Lausanne, possède également des équipes à Kiev et Marioupol, une ville de l’est du pays actuellement encerclée et bombardée. L’organisation est également présente dans les pays qui accueillent les réfugiés: la Hongrie, la Moldavie et la Roumanie. Elle y apporte en urgence une aide psychologique aux enfants et aux mères réfugiés. En Suisse, elle recommande de donner de l’argent mais pas d’habits, ni de jouets, couvertures ou de nourriture.

Le mercredi 9 mars 2022, la SSR organise avec la Chaîne du bonheur une journée nationale de collecte de fonds. La collecte a débuté dimanche, et 20 millions de francs ont déjà été récoltés, pour aider les personnes en Ukraine et dans les pays limitrophes.

Sujet radio et propos recueillis par Isabelle Fiaux

Adaptation web: ms