Mademoiselle. Ce titre est donné aux jeunes filles et aux femmes qui ne sont pas mariées. Mais il n'existe pas d'équivalent masculin. Si on l'utilise de moins en moins, il n'a pas complètement disparu.
Le terme a été banni de l'administration par la chancellerie fédérale en 1973. Les administrations cantonales romandes ont un guide de rédaction "égalitaire". C'est donc Madame, peu importe l’âge et l’état civil.
Utiliser Mademoiselle, c'est "conforter l’idée que le mariage octroie une modification du statut des femmes, une émancipation: le passage du statut de mineur à adulte", selon Maribel Rodriguez, cheffe du Bureau vaudois de l'égalité.
Les règles sont moins claires dans le secteur privé. Mademoiselle n'a pas disparu, selon Sigolène Chavane, cofondatrice d’Artemia, un cabinet de recrutement et de conseil au service de la mixité. Elle estime que son utilisation dit quelque chose sur la culture d'entreprises. Dans le cadre d'un mandat auprès d'une entreprise, elle "recommande l'abandon de son utilisation".
Infantilisant
Mais n'est-ce pas anecdotique l'usage ou non de Mademoiselle? C'est plutôt évocateur, selon Pascal Gygax, responsable de l'équipe de psycholinguistique de l'Université de Fribourg.
"Cela illustre le problème que notre société a avec le statut marital des femmes", analyse le psycholinguiste. "Le terme Mademoiselle est vraiment utilisé pour parler aux petites filles. Quand on s'en sert pour parler à une femme, on l'infantilise."
Dans le même registre, on nomme souvent les femmes par leur prénom. "Dans notre société, on a tendance à utiliser beaucoup plus facilement les prénoms des femmes que ceux des hommes. On le voit parfois dans les médias. A l'époque, on parlait de Ségolène mais de Sarkozy, d'Hillary opposée à Trump", explique Pascal Gygax.
Damoiseau?
Outre son côté infantilisant, le terme Mademoiselle est parfois perçu comme intrusif et réducteur. "Intrusif, car il marque un statut marital privé, et qui n'existe pas pour les hommes", déchiffre Sigolène Chavane, qui a recueilli des témoignages de femmes.
"Et puis, elles expriment souvent que cela relève d'un certain paternalisme, d'où le côté réducteur. L'appellation Mademoiselle a un caractère infantilisant, dévalorisant. Elle peut aussi impliquer une connotation de séduction, qui n'a pas lieu d'être dans un contexte professionnel".
Utiliser Mademoiselle crée une asymétrie: il n'y a pas d'équivalent masculin dans l'administration et la vie courante. Pascal Gygax propose un petit exercice: la prochaine fois que vous voyez un homme sans alliance, un serveur ou un collègue, essayez de l'appeler Damoiseau. Et observez les réactions.
Pauline Rappaz