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Thomas Hefti: "Sur le nucléaire, il faut peut-être avoir l'esprit plus ouvert"

L'invité de La Matinale - Thomas Hefti, président du Conseil des États
L'invité de La Matinale - Thomas Hefti, président du Conseil des États / La Matinale / 11 min. / le 17 mars 2022
La guerre en Ukraine fait craindre des conséquences économiques importantes dans le reste du monde, notamment en Europe et en Suisse. La risque concerne plus encore le domaine de l'énergie, avec la montée des cours du pétrole et du gaz. Invité de La Matinale jeudi, Thomas Hefti, président du Conseil des Etats, plaide pour une approche pragmatique et ne rejette pas la solution nucléaire.

L'intervention armée de la Russie en Ukraine continue à bouleverser les équilibres économiques, avec en Europe, la hausse du coût des matières premières et de l'énergie, pétrole et gaz en tête.

Face à ce phénomène, certains Etats comme la France ont pris des décisions relativement rares et décidé de subventionner le carburant. Ainsi, Paris a choisi de mettre en place pour tous les Français une remise du carburant à la pompe de 15 centimes d'euros par litre pour une durée de 4 mois. Cette mesure, qui a pour objectif de soutenir le pouvoir d'achat des citoyens, coûtera à l'Etat un peu plus de 2 milliards.

Mais alors, quid de la Suisse? Le Conseil fédéral doit-il à son tour se montrer plus interventionniste face à la montée des prix de l'essence afin d'aider la population? Pour Thomas Hefti, la situation serait cocasse, alors que la politique suisse a fait beaucoup ces dernières années pour que ces prix ne baissent pas trop. "On ne souhaite pas encourager les gens à consommer trop de carburant, trop de benzine", juge-t-il. Mais le conseiller aux Etats refuse toutefois les positions dogmatiques: "Il faudra voir la situation, réfléchir et penser à des variantes."

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Des centrales nucléaires nouvelle génération?

Outre la hausse immédiate des prix, la guerre d'Ukraine a aussi remis sur la table un sujet sensible pour Bruxelles et Berne: la dépendance du continent aux énergies fossiles.

Interrogé à ce sujet, Thomas Hefti estime qu'il faudra continuer à investir dans le renouvelable, mais aussi qu'il est nécessaire de sortir des préjugés sur le nucléaire, rien n'étant blanc ou noir aux yeux du Glaronais.

"On a arrêté une centrale, mais on en a toujours quatre et il faut dire que c'est une énergie qui n'émet pas de CO2. Mais elle a des inconvénients et puis les centrales qu'on a datent du siècle passé (...) Il y a des progrès dans ce domaine, des pays qui s'engagent, comme la France, l'Angleterre (ndlr. le Royaume-Uni), d'autres encore, sur d'autres continents. Il faut peut-être avoir l'esprit plus ouvert qu'on l'avait les 20 ou 30 dernières années."

Le conseiller aux Etats pense qu'au moment où les centrales nucléaires suisses devront fermer, il faudra peut-être alors réfléchir à en remplacer quelques-unes, avec les technologies nouvelles, les fameuses centrales de nouvelle génération.

Etre prêts à défendre "une société ouverte"

Enfin, l'intervention militaire du Kremlin aura aussi bouleversé la Suisse sur les plans diplomatique et militaire. En effet, en reprenant les sanctions européennes à l'encontre de Moscou, un débat s'est engagé pour savoir si Berne avait franchi le Rubicon et quitté sa position de neutralité dans le monde. Sur le plan de la défense, les discussions se sont aussi animées en Suisse, notamment quand la conseillère fédérale en charge de la Défense Viola Amherd a appelé les opposants aux nouveaux avions de combat F-35 à retirer leur initiative.

Pour Thomas Hefti, une chose est toutefois claire, la Suisse n'a pas violé son devoir de neutralité et le choix de Berne n'avait d'ailleurs rien d'exceptionnel d'après lui: "Il y a déjà eu des exemples où la Suisse a repris des sanctions prononcées par l'Union européenne, donc je ne crois pas que le Conseil fédéral a l'intention de se départir de la neutralité", explique-t-il.

Sur l'armée, le PLR juge qu'il est du devoir de la Suisse d'être prête à se défendre, sans rentrer dans les excès: "Il y a trente ans, notre armée avait une autre taille et je ne dis pas qu'il faille avoir cette taille à nouveau. Mais il faut avoir certains effectifs, certains matériels, être prêts (...) pour que nous puissions maintenir notre société ouverte, avec la démocratie libérale, la séparation des pouvoirs et l'Etat de droit, il faut pouvoir la défendre", conclut-il.

Propos recueillis par David Berger

Adaptation web: Tristan Hertig

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