Sur les fils d'actualité d'Instagram, de TikTok ou de Facebook, entre deux chorégraphies innocentes, recettes de cuisine et autres vidéos de chat, des images de guerre. Des soldats au combat, des bombardements urbains, des véhicules éventrés, des corps sans vie. Une violence soudaine, immédiate et omniprésente, qui peut durablement marquer.
"Face à des éléments aussi anxiogènes, on peut avoir des réactions importantes, qui peuvent conduire à surestimer le danger et à avoir des réactions disproportionnées", estime la doctoresse Lamyae Benzakour, psychiatre et responsable de l'unité psychiatrie de liaison aux HUG.
D'autant que cette guerre intervient après deux ans d'incertitude liée à la crise sanitaire. "C'est une anxiété de fond qui est toujours présente, même si on s'en rend moins compte", juge Julie Querio, psychologue pour enfants et jeunes adultes.
Spécialisé en hyperconnectivité, le psychologue thérapeute de famille Niels Weber abonde: "C'est très dur de gérer une crise quand on ne sait pas quand elle va se terminer".
Reconnaître les signes
Pour Lamyae Benzakour, les signes les plus fragrants et qui doivent alerter portent sur la difficulté à assurer les tâches quotidiennes: dormir, manger, se concentrer ou décrocher du flux de nouvelles.
La réalité de la guerre peut également réveiller des douleurs bien enfouies et qui n'ont pas forcément de lien avec un conflit armé.
"Les sons et les images de la guerre peuvent réactiver des traumatismes passés – même quand il s'agit de traumatismes de nature très différente, comme un accouchement traumatique, une agression sexuelle ou un accident, voire même des traumatismes transgénérationnels qu'on n’a pas vécus soi-même", avance Lamyae Benzakour, spécialiste de la prise en charge des traumatismes psychiques.
Accepter la peur
"Il faut valider le fait que c'est angoissant", estime Julie Querio. Même si l'on n'est pas sous les bombes, on a le droit d'avoir peur. Et l'accepter évite de culpabiliser, souligne Lamyae Benzakour.
"Il faut pouvoir dire 'oui, c’est compliqué'. Et de là, il faut se concentrer sur ce qui va bien", renchérit Niels Weber, pour qui "voir que les autres sont aussi affectés, ça diminue l'intensité de sa propre anxiété."
Modérer sa consommation
Les images fortes font le jeu des algorithmes, elles sont donc davantage mises en avant sur les réseaux sociaux. Au point, parfois, de submerger celles et ceux qui les regardent sans le vouloir et de créer une image déformée de la réalité.
Pour Niels Weber, expert en hyperconnectivité, il faut prendre garde à ne pas dépasser une consommation qu'on estime soi-même normale des réseaux sociaux ou des médias.
"C'est différent pour chaque personne, mais si je commence à me sentir envahi et étouffé par l'avalanche de nouvelles, il y a un problème". Pour éviter d’être alpagué par son natel, plusieurs choses peuvent aider: désactiver les notifications, éviter de trop scroller, voire se mettre en mode avion.
Entre le trop-plein d'information et le déni, il faut tenir une ligne de crête, explique Lamyae Benzakour: "Totalement nier la réalité ne serait pas non plus adapté".
Reprendre le contrôle
Aider, s'impliquer dans la réponse humanitaire peut soulager, estiment les experts interrogés. "Ça permet de sortir de ce vécu traumatique d'impuissance et de perte de contrôle", juge la psychiatre aux HUG Lamyae Benzakour.
"Faire un don, récolter des jouets, voire accueillir une famille, ça peut prendre de nombreuses formes", précise Niels Weber.
Ne pas s'isoler
Parler de ce que l'on voit et ce que l'on ressent à ses amis ou sa famille permet de mieux digérer les informations, mais également de recevoir du réconfort, selon les thérapeutes. Discuter, c'est aussi comprendre. Psychologue pour enfants et adolescents, Julie Querio appelle les établissements scolaires à expliquer le contexte historique et politique de ce conflit.
>> La guerre expliquée aux enfants : notre dossier
Se ressourcer
Sport, loisirs, médiation: loin d'être anecdotiques, ces activités offrent une véritable respiration que recommandent les experts.
La doctoresse Lamyae Benzakour abonde: "Il faut vraiment favoriser la pratique de ces activités, car elles nous permettent de nous recentrer et nous aident à réguler nos émotions."
Michael Maccabez