Céline Vara: "80% des personnes surendettées attendent plus de 3 ans pour demander de l'aide"
En Suisse, de plus en plus de personnes n'arrivent pas à honorer leurs dettes. Pour l'expliquer, il y a bien entendu les situations personnelles, comme le chômage, le divorce, la maladie ou encore l'accident, mais aussi l'augmentation des coûts du logement, de la nourriture ou des primes d'assurances maladie.
Ce sont d'ailleurs ces factures d'assurance maladie, avec les impôts, qui sont les deux principales sources de surendettement pour les Suisses et les Suissesses.
"On doit s'adresser aux jeunes"
Invitée de La Matinale mardi, la conseillère aux Etats neuchâteloise Céline Vara juge qu'il existe en Suisse "un tabou" sur cette problématique et des "clichés" sur les personnes touchées par ce phénomène.
"On a cette image de la personne qui ne sait pas gérer, qui ne sait pas utiliser son argent à bon escient, voire qui est déviante, qui a des pathologies ou des dépendances, alors qu'on se rend compte que la plupart du temps, les personnes arrivent dans cette situation après des épisodes de vie difficiles", explique-t-elle.
Pourtant, des profils type existent tout de même, comme le rappelle l'élue Verte: "On sait que les femmes ont plus de problèmes d'endettement, notamment celles à la retraite qui n'ont pas réussi à cotiser suffisamment. On sait également que les jeunes sont un public cible pour les questions de consommation, de petits crédits, et c'est vraiment peut-être le public auquel on doit s'adresser en premier, parce qu'ensuite l'endettement progresse toujours plus, jusqu'à atteindre des montants vertigineux".
Détection au coeur du dispositif
Celle qui préside également Dettes Conseils Suisse, la faîtière des organisations de désendettement, plaide une détection plus précoce des cas.
"On doit pouvoir détecter ces situations d'endettement aussi rapidement que possible pour éviter qu'elles se transforment en surendettement: 80% des personnes affectées par le surendettement attendent plus de trois ans pour demander de l'aide, c'est beaucoup trop", rappelle-t-elle.
Dans le canton de Neuchâtel, 11% de la population n'arrive pas à payer ses factures, contre une moyenne nationale de 6,5%. Une loi a justement été votée il y a un an pour lutter contre le phénomène.
"Nous sommes le seul canton à avoir une loi cantonale, la loi sur la lutte et la prévention sur le surendettement. Le canton a compris que c'était une problématique importante", juge Céline Vara.
Présenter les moyens à disposition
Pour détecter précocement ces situations, le canton de Neuchâtel implique l'administration, qui a désormais un rôle de guide pour présenter des solutions à ces personnes.
"Il est extrêmement dur de se rendre auprès d'une association de professionnels comme Caritas pour demander de l'aide. Dans le canton de Neuchâtel, à l'office des impôts, lorsque la personne vient faire une demande d'échelonnement ou de rattrapage, on peut lui dire vers qui elle doit se tourner, quels sont les moyens à disposition", explique-t-elle.
Et d'ajouter: "On devrait pouvoir élargir ça auprès de l'employeur, lorsque la personne demande une avance sur son salaire, par exemple".
Une prise de conscience au niveau fédéral ?
A Berne, l'avis de Céline Vara est qu'au niveau politique, il y a encore beaucoup de chemin à faire pour prendre conscience de cette thématique. La Verte explique que le cliché de "la personne fautive" est une fois encore tenace.
"Mais heureusement, au niveau fédéral, on est en train de réviser la loi sur les poursuites et faillites. On va être dans le processus de consultation d'ici cet été et Dettes Conseils Suisse espère beaucoup de ce projet, afin qu'on puisse par exemple revenir à un mécanisme de remise de dettes", nuance-t-elle.
Propos recueillis par Valérie Hauert
Adaptation web: Tristan Hertig