Publié

La pandémie a dopé la politisation de la population suisse, surtout les jeunes

Politique suisse: participation record et encore plus chez les jeunes
Politique suisse: participation record et encore plus chez les jeunes / 19h30 / 2 min. / le 23 mars 2022
Assiste-t-on à un regain d’intérêt pour la politique suisse? La participation aux votations fédérales a atteint l’an dernier un niveau record. Les partis politiques, quant à eux, voient leurs effectifs grimper fortement. La pandémie de Covid-19 mais aussi la crise climatique et la grève des femmes pourraient être les catalyseurs de cette repolitisation.

Ces deux dernières années, la participation aux votations fédérales atteint des sommets. En 2021, pas moins de 57,2% des Suissesses et des Suisses, en moyenne, ont rempli leur devoir civique. Il s'agit d'un record depuis l'introduction du droit de vote des femmes au niveau national au début des années 1970.

A titre de comparaison, la barre des 50% n'a été dépassée qu'à cinq autres reprises ces cinquante dernières années (en 1974, 1989, 1992, 2005 et 2014). Avec une participation moyenne de 49,3%, l'année 2020 figure aussi en bonne place dans le classement, au huitième rang.

Un intérêt politique dopé par la pandémie

Comment expliquer ce phénomène? "Pour nombre de personnes, le Covid-19 a été l'élément déclencheur de leur intérêt pour la politique", avance Marc Bühlmann, professeur à l'Institut de science politique de l'Université de Berne et directeur d'Année politique suisse. "La politisation est souvent liée à une crise. Ca peut être une crise personnelle, une crise locale ou une crise plus large comme cette pandémie", poursuit le politologue.

La pandémie a été un bouleversement sociétal d'une telle ampleur qu'elle a sans conteste contribué à mobiliser une grande partie de la population qui, jusqu'alors, ne votait pas. En effet, qui n'a pas vu un membre de sa famille, de ses amis ou des proches auparavant désintéressés par la chose publique se muer en militant vaccinosceptique ou en fervent défenseur des mesures sanitaires du Conseil fédéral?

>> Des jeunes du Collège Saint-Michel parlent de leur rapport à la politique :

Des jeunes du Collège Saint-Michel de Fribourg parlent de leur rapport à la politique
Des jeunes du Collège Saint-Michel de Fribourg parlent de leur rapport à la politique / L'actu en vidéo / 3 min. / le 24 mars 2022

Des sujets de votations très émotionnels

Signe de cet intérêt, presque deux tiers des Suissesses et des Suisses se sont prononcés sur la modification de la loi Covid en novembre dernier. C'est certes beaucoup moins que lors de la votation sur l'Espace économique européen en 1992 (78,7%), mais c'est tout de même la quatrième plus forte participation pour un scrutin fédéral depuis 1971.

Le premier référendum contre cette même loi Covid, soumis au verdict des urnes le 13 juin 2021, a lui aussi vu une participation historiquement élevée (59,7%). Notons que, ce jour-là, le peuple votait également sur la loi contre le CO2 ainsi que sur deux initiatives anti-pesticides. Des sujets qui ont rassemblé un électorat très large et hétéroclite, des opposants aux mesures sanitaires aux jeunes pour le climat en passant par les milieux paysans.

En Suisse, la mobilisation est fortement liée à certaines thématiques, relève Marc Bühlmann. C'est notamment le cas pour les sujets relatifs à la politique européenne, à l'immigration ou à l'armée ainsi que pour les grandes questions sociétales. Et à ce titre, les citoyens ont été servis ces dernières années, à l'image des votations du 27 septembre 2020. Ce dimanche-là, la Suisse se prononçait, entre autres, sur l'initiative UDC "pour une immigration modérée", sur le congé paternité et sur l'acquisition de nouveaux avions de combat.

Forte progression des nouvelles adhésions dans les partis

Autre aspect de ce regain d'intérêt pour la politique, les adhésions aux partis grimpent en flèche. Nous avons interrogé les grandes formations du pays et la plupart d'entre elles font état d'une augmentation notable des effectifs. Cette croissance est particulièrement marquée pour les deux partis écologistes - Verts et Vert'libéraux - ainsi que dans les jeunesses des partis. Les Jeunes Vert'libéraux, par exemple, ont quasi doublé le nombre de leurs membres entre la fin 2019 et aujourd'hui.

"Avec cette politisation par la crise, les gens ont commencé à réfléchir à comment ils pourraient s'engager (...) Les partis sont un véhicule pour cela", commente Marc Bühlmann. Dans la même veine, depuis le début de la pandémie, de nouveaux groupes politiques, souvent formés par des opposants aux mesures sanitaires, se sont formés, à l'image des Amis de la Constitution ou de Mass Voll. "C'est le signe d'une démocratie vivante", note le politologue.

"La démocratie directe fonctionne"

Cette repolitisation de la Suisse va-t-elle durer? "Je pense que ça s'affaiblit déjà un petit peu, parce que la pandémie n'est déjà plus très présente", constate Marc Bühlmann. "Une minorité va rester politisée, va prendre cet élan pour faire encore plus de politique. Mais ça ne va plus avoir la même ampleur que l'année passée", prédit-il.

Reste que, pour lui, cette dynamique montre la force du système suisse. En permettant un contrôle permanent du peuple sur les décisions des autorités, celui-ci assure un équilibre entre le gouvernement, le Parlement et la population. Et Marc Bühlmann de donner l'exemple des référendums contre la loi Covid. "On a discuté assez violemment, mais après les votes, ça s'est apaisé (...) Même en cas de crise comme celle-là, la démocratie directe fonctionne", se réjouit le professeur.

Valérie Gillioz et Didier Kottelat

Publié

"La génération actuelle des jeunes a vécu de grands événements qui politisent"

A côté de la pandémie, "la génération actuelle des jeunes a vécu de grands événements qui politisent", affirmait Jasmine Lorenzini, chercheuse à l'Institut d'études de la citoyenneté de l'Université de Genève, dans le 19h30 en avril 2021.

On peut citer notamment les gigantesques manifestations liées à la grève du climat, la lutte pour l'égalité, dont le point culminant a été la grève des femmes du 14 juin 2019, ou encore le mouvement international pour les droits civiques Black Lives Matter.

>> Voir un sujet du 19h30 sur le regain d'intérêt des jeunes pour la politique (25.04.2021) :

Regain d'intérêt des jeunes pour la politique en 2020-2021. Le Covid semble avoir eu un effet accélérateur sur leur engagement
Regain d'intérêt des jeunes pour la politique en 2020/2021. Le Covid semble avoir eu un effet accélérateur sur leur engagement / 19h30 / 3 min. / le 25 avril 2021