La dépendance au gaz russe donne des ailes au gaz liquéfié et au stockage, même en Suisse

"Nous disposons désormais d'un stockage de 1,5 TWh, soit l'équivalent d'un mois entier de consommation hivernale sur notre réseau", a indiqué à la RTS le responsable technique de Gaznat. Une hausse de capacité de 50% en réaction à la guerre en Ukraine, explique Gilles Véran, qui précise que les volumes de stockage acquis sur enchère à Etrez sont un élément essentiel pour la sécurité de l'approvisionnement en Suisse romande.

La liaison du réseau gazier romand à Etrez est assurée depuis 1989 par un gazoduc de 110 kilomètres enfoui au départ de Gland via La Cure. Cette importante liaison avec la France et les contrats d'approvisionnement qui lui sont liés expliquent l'exposition réduite de la Suisse romande au gaz russe: 25% seulement, contre 50% pour l'ensemble de la Suisse.

Accès aux méthaniers

L'ouvrage donne accès au puissant réseau français relié aux terminaux gaziers de Dunkerque, Montoir de Bretagne et Fos. C'est là que des méthaniers chargés de gaz liquéfié américain et qatari sont attendus ces prochains mois pour suppléer le plus possible aux importations de gaz russe dont l'Europe est dépendante à près de 50%.

Cette dépendance n'est plus compatible ni avec les valeurs ni avec les intérêts politiques et stratégiques des Etats européens depuis l'invasion de l'armée russe en Ukraine. La Commission européenne a elle aussi relevé le degré de priorité de l'indépendance énergétique.

Cavernes de stockage

Propriété du groupe Engie via sa filiale Storengy, le site de stockage d'Etrez réunit un ensemble de cavernes creusées au fil des années par lessivage de la roche saline présente dans le sous-sol entre 1250 et 1900 mètres de profondeur. De l'eau est d'abord injectée par un étroit forage puis la saumure extraite. Il en résulte d'immenses cavernes étanches dans lesquelles le gaz peut être injecté et stocké sous très forte pression. "Jusqu'à 240 bar pour les cavernes les plus profondes", expliquent les exploitants de Storengy.

En développement constant depuis 1980, le site dispose aujourd'hui de vingt cavernes implantées sur une zone de 3000 hectares. La capacité de stockage dépasse un milliard de mètres cubes, soit 11 TWh d'énergie soutirable à très haut débit. Cela représente un douzième de toutes les capacités de Storengy. Selon l'AGSI, la France dispose de 128 TWh de stockage gazier sur un total européen de 1110TWh, derrière l'Allemagne (245), l'Italie (197) et les Pays-Bas (143).

Solution d'avenir

La Suisse n'en possède aucune sur son territoire, d'où l'importance de la liaison avec Etrez. Dépendre ainsi de réserves situées sur territoire étranger n'est cependant pas source de préoccupation pour Gaznat: "Nos contrats sont garantis par un accord d'Etat entre la Suisse et la France qui nous reconnaît l'équivalence à un fournisseur français", explique Gilles Verdan.

Gaznat envisage pourtant de créer en Suisse ses premières capacité de stockage indigène. Dans la région du Grimsel, des forages exploratoires sont en cours. Objectif: disposer de quatre volumes de stockage totalisant 1,5 TWh, autant que les volumes dédiés à Etrez. "Pour y stocker du gaz, mais aussi un jour de l'hydrogène", dévoile Gilles Véran.

Stocker les surplus saisonniers d'électricité renouvelable sous forme d'hydrogène et l'utiliser en hiver, l'idée a déjà germé à Etrez: les premiers tests de stockage d'hydrogène dans les cavernes salines sont prévus cette année.

>> Ecouter aussi le sujet de Cléa Favre dans La Matinale :

Keystone - Frank Molter

Pascal Jeannerat