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Le biogaz produit en Suisse pourrait remplacer une partie du gaz russe

Le biométhane en Suisse est une alternative au gaz, mais sa production ne couvre qu'1% de notre consommation totale de gaz.
Le biométhane en Suisse est une alternative au gaz, mais sa production ne couvre qu'1% de notre consommation totale de gaz. / 19h30 / 2 min. / le 12 avril 2022
La guerre en Ukraine a mis en évidence la dépendance de la Suisse à l’égard du gaz russe. En plus d’être respectueux du climat, le biométhane produit localement pourrait améliorer la souveraineté énergétique du pays. Des parlementaires fédéraux réclament un soutien financier de la Confédération pour développer cette filière.

L’invasion russe de l’Ukraine rebat les cartes de la géopolitique énergétique mondiale. Très dépendante du pétrole et du gaz russes, l’Union européenne s’est donnée pour mission le mois dernier de réduire de deux tiers les importations de gaz en provenance de Russie d’ici la fin de l’année et d’en finir pour de bon avec tout achat d’hydrocarbures russes d’ici 2030. Des achats accusés de financer la machine de guerre de Vladimir Poutine.

Fers de lance de ce mouvement, les Etats baltes sont déjà passés à l’acte. "A partir de maintenant, la Lituanie ne consommera plus un cm3 de gaz russe toxique", a annoncé dimanche Ingrida Simonyte, la Première ministre de cette ancienne république soviétique. L’Estonie et la Lettonie lui ont emboîté le pas. Et les appels pour un embargo sur le gaz russe se sont encore intensifiés ces derniers jours, à la suite de la découverte du massacre commis à Boutcha, près de Kiev, capitale ukrainienne.

Du gaz naturel au biogaz

Plusieurs pays européens, dont l’Allemagne et l’Autriche, sont toutefois encore extrêmement réticents à se passer immédiatement des hydrocarbures russes, craignant les répercussions économiques d’une telle décision. La Suisse n’échappe pas non plus à ces réflexions, la Russie fournissant la moitié du gaz naturel importé dans notre pays. "A court terme, la seule solution, c’est de moins chauffer les bâtiments", observe François Vuille, président de la conférence des services cantonaux de l’énergie.

A moyen terme, il s’agit de trouver d’autres sources d’approvisionnement, ajoute l’ancien directeur de l’Energy Center de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). A ce titre, une option pour la Suisse serait d'augmenter la production de biométhane. Obtenue grâce à la fermentation de certaines matières organiques comme les boues d’épuration, les fumiers, les lisiers ou encore les déchets alimentaires, cette énergie renouvelable a l’avantage d’être respectueuse du climat.

Un potentiel de 10% à 20% de biogaz

A l’heure actuelle, le biogaz suisse ne représente que 1% des ventes totales, mais le potentiel de production de biométhane local est loin d’être négligeable. "Ce potentiel est directement lié à la quantité de déchets disponibles qu’on pourrait transformer en méthane", explique François Vuille. Cela ne permettrait pas de compenser l’entier des livraisons en provenance de Russie, mais cela pourrait tout de même couvrir entre 10% et 20% de notre consommation actuelle, note l’expert.

Afin de développer cette filière, des parlementaires fédéraux réclament aujourd’hui un coup de pouce financier de la Confédération. "Nous avons besoin de ce soutien car nous sommes trop dépendants du gaz naturel étranger bien meilleur marché que le biométhane, même si ça a un peu changé avec la guerre ces dernières semaines", relève la conseillère nationale Priska Wismer-Felder (Le Centre/LU).

Une transformation "nécessaire"

Pour François Vuille, la réduction de notre dépendance au gaz naturel grâce au biométhane est non seulement possible, mais surtout "nécessaire pour atteindre nos objectifs climatiques, puisque nous sommes censés être quasi sortis des produits fossiles en 2050". Mais, ajoute l’expert, cela ne suffira pas. Il faudra aussi développer les autres énergies renouvelables et réduire notre consommation énergétique, notamment grâce à une meilleure isolation des bâtiments.

"Finalement, le niveau d’autonomie que nous allons atteindre en 2050 est conditionné par les choix que nous faisons aujourd’hui", conclut François Vuille. Une partie de notre avenir énergétique se joue sans doute dans nos montagnes de déchets ménagers et agricoles.

Julien Guillaume et Didier Kottelat

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