Modifié

En Suisse romande, difficile pour les agriculteurs de cesser l'exploitation animale

Élevage: paysans éthiques
Élevage: paysans éthiques / Mise au point / 14 min. / le 10 avril 2022
De plus en plus de nouvelles générations d'éleveurs et d'éleveuses font face à des cas de conscience liés à l'exploitation des animaux. Mais dans le milieu paysan, il reste souvent très compliqué de faire son "coming-out" végane.

En Suisse alémanique, plus de 70 familles paysannes ont déjà franchi le pas de renoncer à toute exploitation animale dans leur pratique professionnelle. Côté romand, l'idée d'une transition végétale n'a pas encore vraiment germé, mais des initiatives individuelles existent déjà, et certaines structures commencent à apparaître.

>> Lire aussi : Déjà 70 paysannes et paysans végans en Suisse alémanique

Ainsi, l'association Co&xister, inspirée notamment de démarches menées outre-Sarine et qui entend oeuvrer pour la cohabitation respectueuse entre les humains et les animaux, a créé un "sanctuaire" au-dessus de Bex (VD) pour les animaux d'élevage initialement destinés à l'abattoir ou soumis à des mauvais traitements.

Initiée par la militante antispéciste Virginia Markus et quelques éleveurs ou éleveuses ayant abandonné la production de viandes et autres produits d'origine animale, le projet offre également un soutien moral et logistique à la réorientation des personnes financièrement dépendantes de l'élevage souhaitant se réorienter dans une filière exempte d'exploitation animale.

Activité exercée à contre-coeur

Car dans le milieu, une "transition végane" n'est pas chose aisée. Par loyauté familiale ou respect des traditions paysannes, notamment. Certains jeunes agriculteurs envieux de changer de pratique n'osent pas en parler publiquement.

Agricultrice à la retraite, Myriam Sandoz confie par exemple dans l'émission Mise au Point qu'elle a participé pendant de longues années à l'exploitation animale "avec une hyper mauvaise conscience".

"Un animal ne mérite pas la fin de vie qu'on lui réserve après avoir tout tiré de lui", explique-t-elle. "Mais du moment que c'était l'exploitation des parents de mon mari, je n'avais pas assez de force et d'appui pour faire cette transition végétale."

"Une mise à la retraite, c'est l'abattoir"

Une situation qu'a également vécue Jean-Marc Charrière après avoir repris la ferme de ses parents. Il a compris que quelque chose n'allait pas pour lui. "Charger les animaux dans une bétaillère pour l'abattoir, c'était chaque fois un déchirement", raconte-t-il, évoquant un "mal-être omniprésent".

>> Sur le même sujet, lire : L'abattage sera plus respectueux du bien-être animal dès janvier en Suisse

"Il y a eu un déclic au moment où j'ai dû me séparer d'une de mes vaches préférées, la mettre à la retraite. Une mise à la retraite, pour une vache, c'est l'abattoir. Et ça, ça a vraiment été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase."

Mettre les sentiments de côté

Interrogé dans l'émission Mise au Point, Marc Tauxe tient une ferme dans laquelle on élève du bétail depuis plusieurs générations. Difficile pour lui de renoncer à l'élevage, même s'il comprend la démarche.

"Il y a le côté qui fait mal au ventre, mais c'est plus par rapport à l'âge des animaux qu'on a côtoyés pendant peut-être 10 ans", concède-t-il. "Je pense qu'au niveau de l'agriculture on est habitué à mettre un peu les sentiments de côté et finalement c'est le côté économique qui prime."

"Moi j'ai toujours dit: chacun est libre de son choix", déclare-t-il encore. "Mais nous, on ne peut pas se permettre ce genre de chose, c'est notre métier et on doit faire avec. Il faut du rendement, il faut que ça tourne."

>> Lire aussi : L'Union suisse des paysans se prépare déjà contre l'initiative sur l’élevage intensif

Reportage TV: Yves Godel

Texte web: Pierrik Jordan

Publié Modifié