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La Suisse pourrait passer au consentement présumé du don d'organes

Bientôt toutes et tous donneurs présumés? La Suisse vote sur le don d'organes le 15 mai. Le peuple pourrait bien accepter un changement de système sur cette question éthique et intime.

Actuellement, la Suisse vit sous le régime du consentement explicite. Toute personne qui souhaite faire don d'un ou de plusieurs de ses organes après son décès doit le faire savoir, au moyen d'une carte de donneur par exemple.

Sinon, les médecins posent la question aux proches, qui dans 40 à 60% des cas refusent. A la fin 2021, plus de 1400 personnes se trouvaient sur liste d'attente pour obtenir un organe. Chaque semaine, une ou deux personnes décèdent faute d'avoir reçu un nouvel organe à temps.

Petit pas...

Passer au consentement présumé permettrait d'augmenter le nombre de donneurs d'organes et ainsi sauver des vies, selon le Conseil fédéral. L'exécutif se défend de vouloir faire la révolution avec son contre-projet indirect à une initiative populaire. Celle-ci allait plus loin, mais a été retirée depuis, à la condition que la loi révisée passe en votation.

En cas de "oui" le 15 mai, les médecins partiront du principe que toute personne est favorable au prélèvement de ses organes. Pour exprimer son refus, il faudra s'inscrire dans un registre.

Si le défunt n'avait pas fait cette démarche, les proches pourront encore s'opposer au prélèvement, s'ils pensent que cela respecte sa volonté. Si ce défunt n'a pas laissé d'instructions et qu'aucun proche n'est joignable, aucun organe ne pourra être prélevé.

Des études récentes laissent supposer un effet positif d'un changement de système. Le consentement présumé ne suffit pas toujours à augmenter les dons d'organes, reconnaît l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) dans une réponse à Keystone-ATS. Les ressources hospitalières et la formation des spécialistes entrent aussi en ligne de compte, des domaines dans lesquels la Suisse a justement investi ces dernières années.

...ou révolution?

Mais le don d'organes reste une question sensible et intime, qui confronte les gens à leur propre mort. Cette révision pourrait mettre à mal le droit à l'autodétermination des personnes, garantie par la Constitution. Un tel changement de paradigme doit être approuvé par le peuple, selon le comité citoyen qui a lancé un référendum.

Et de prévenir: la nouvelle loi ne soulagera en rien les proches par rapport à la situation actuelle. Si le défunt n'a pas laissé d'instructions, la famille, sous le choc du décès, devra prendre une décision en très peu de temps.

Près de 6 millions de personnes devraient en outre être informées qu'elles doivent, en cas de refus, s'opposer par écrit au don d'organes et inscrire leur nom dans un registre. Il est totalement irréaliste de penser que cet objectif peut être atteint, selon les référendaires, menés par une sage-femme vice-présidente du parti socialiste de Bienne.

Information cruciale

Certaines personnes ne parlent aucune langue nationale, ne comprennent pas ce qu'elles ont lu, ou ne veulent pas se préoccuper de leur propre mort, font encore valoir ces opposants qui comptent parmi eux des théologiens, des juristes et des médecins. Des organes pourraient être prélevés contre la volonté de leur propriétaire, par manque d'information.

"Impensable", a assuré le conseiller fédéral en charge de la Santé Alain Berset. Le consentement des proches, en cas de doute, est un garde-fou suffisant. L'information à la population jouera un rôle-clé, a reconnu le conseiller fédéral. Des campagnes à grande échelle seraient prévues.

Ethique et politique

Le silence n'équivaut pas forcément à un consentement, a relevé de son côté la Commission nationale d'éthique dans une prise de position en 2019. Elle plaidait, tout comme les Eglises et certains opposants, pour le modèle de la déclaration régulière sur le statut de donneur, récemment adopté en Allemagne, et qui seul permettrait de garantir l'autodétermination des personnes.

Une approche rejetée par le Conseil fédéral, essentiellement pour des questions de coûts et parce qu'elle ne permettrait pas d'augmenter suffisamment le taux de dons, selon l'OFSP.

Toutes les formations, hormis l'UDC et le Parti évangélique, sont officiellement favorables au changement de système. Le Parlement a largement soutenu la révision. Mais signe que le sujet dépasse les opinions politiques, des membres de tous les partis se trouvent parmi les opposants.

Les considérations éthiques ne semblent toutefois pas devoir faire obstacle au changement de paradigme. Les premiers sondages donnent une avance confortable à la nouvelle loi et les opinions semblent déjà faites.

ats/vkiss

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